(Source : www.radialistas.org – Traduction et adaptation : B. Fieux)
(1979 – Casimira, jeune fille indigène, est « employée domestique » dans une famille bourgeoise de la ville…)
La patronne : Casimira, le repas doit être prêt à une heure de l’après-midi. Et puis n’oublie pas de laver le linge. Et il faut repasser les vêtements pour le patron, et préparer les uniformes des enfants pour l’école.
Casimira : Oui madame.
( Casimira raconte : A 13 ans, j’ai commencé comme « employée domestique » à Cochabamba. Je travaillais gratuitement, pour mon logement et mon repas, sans dimanche ni salaire.)
Casimira : Madame, je voudrais vous demander quelque chose…
La patronne : qu’est-ce que tu veux ?
Casimira : C’est que… je voudrais être payée… un petit salaire, c’est tout.
La patronne : Quoi ? Espèce de « chola »(*) ingrate, tu as déjà eu de la chance que je te garde ! Allez dehors ! Va-t-en !
(*) Cholo, chola : ici, terme méprisant pour désigner l’indigène.
(Casimira : elle m’a dénoncée à la police en disant que je lui avais volé des robes. J’ai réclamé, mais le jugement venait d’être suspendu pour deux ans. Sûrement qu’elle avait payé pour ça. On était en 1979, la Bolivie était une dictature.… J’ai continué à travailler dans des familles. Quatorze heures, dix-sept heures par jour. Le pire c’était la discrimination. Je ne pouvais pas parler devant les patrons, pas adresser la parole à quelqu’un. Il fallait se taire et obéir. J’avais seulement le droit de sortir le dimanche après-midi. Et là je retrouvais d’autres filles provinciales comme moi.)
Une fille : Casimira, à la paroisse on donne des cours éducatifs. Le Père dit que nous pouvons y aller !
( Casimira : On commença à se retrouver là-bas tous les dimanches, on apportait à manger, on se racontait nos vies… Les patrons n’en savaient rien, tout était clandestin.
C’est là que nous avons eu l’idée de nous organiser, et de nous instruire… pour créer un syndicat… qui a présenté plus tard un projet de loi, en 1992.)
1992. Réunion publique.
Casimira : Compañeras, réclamons l’égalité avec les autres travailleurs !…Nous avons droit à un contrat, un salaire, des avantages sociaux…
Une fille : Casimira, nous ne voulons plus être appelées « employées domestiques » !
Autre fille : Parce que nous ne sommes pas des chiens ! C’est les animaux qui sont « domestiques », nous, nous sommes des êtres humains !
Casimira : Alors commençons à dire « travailleuses familiales » !
( Casimira : et ce fut aussi le nom de notre syndicat. Ensuite nous avons commencé à rendre visite aux médias.)
Journaliste : Les Travailleuses Familiales organisées exigent une série d’avantages. Elles réclament l’approbation d’une loi qui les favorise. Au Congrès, les député(e)s ne sont pas d’accord…
(Le téléphone sonne)
Journaliste : allo ?
Un député : Monsieur le journaliste, je vous appelle du Congrès. Les Travailleuses Familiales en demandent trop ! Même le droit à la maternité ! Pour avoir des gosses de manière irresponsable sans doute !
Une députée : Pourquoi veulent-elles une loi ? Ces employées vivent dans la famille comme nos propres filles !
( Casimira : En 2003, nous avons réussi à faire promulguer la Loi des Travailleuses Familiales. A ce moment-là, j’étais Secrétaire Générale du Syndicat. Et j’ai eu aussi une autre satisfaction, l’obention du Prix Mondial Méthodiste de la Paix pour 2003.
Avec le syndicat, nous avons mené nos luttes durant 18 années. J’ai aussi étudié l’anthropologie. Moi, une indienne quechua, je suis entrée à l’Université, pour étudier et mieux me préparer à lutter. Et maintenant, en 2006, la surprise… Le Président de Bolivie, Evo Morales, me nomme Ministre de la Justice !…)
2006
Journaliste : Madame la Ministre Casimira Rodríguez, qu’est-ce que la Justice pour vous ?
Casimira : La Justice ? C’est que nous puissions vivre tous et toutes dans la dignité. Gagner un salaire décent, c’est cela la justice. Avoir droit à des soins de santé et à l’éducation, c’est cela la justice. Ecouter la cri d’angoisse des personnes, voilà la justice pour moi. »
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