Depuis le 10 janvier, Daniel Ortega est à nouveau officiellement Président des Nicaraguayens. (Voir nos infos de décembre 2006).
Avec la rentrée scolaire (début février) l’objectif “ éducation gratuite ” a été mis en marche et sur les 800 000 enfants jusqu’ici non scolarisés par manque de ressources familiales, nombreux sont ceux qui ont été inscrits par les parents, puisque l’illégale “ redevance ” mensuelle a été supprimée ainsi que l’obligation de porter un uniforme, source de dépense supplémentaire. Seulement on manque de matériel, de locaux, d’enseignants… il faudra beaucoup de bonne volonté à tout le monde pour parvenir à un fonctionnement satisfaisant. Parmi le personnel “ enseignant ”, beaucoup étaient des maîtres “ empiriques ”, autrement dits sans formation, recrutés parce qu’on pouvait les payer une misère, tandis que les maîtres sortant de formation se retrouvaient parfois au chômage ! Et le niveau général d’instruction est lamentable parce que les gouvernements précédents l’ont laissé ainsi se détériorer, depuis seize ans…
Ortega a de la chance cependant : il bénéficie de l’appui de Cuba et du Venezuela, qui soutiendront et la campagne d’alphabétisation et le retour à la santé gratuite, entre autres choses. De plus le puissant voisin est plutôt mal à l’aise actuellement et donc moins tenté de chercher des mauvaises querelles au gouvernement nicaraguayen.
Le problème qui continue de préoccuper l’opinion au Nicaragua est la récente pénalisation de l’avortement thérapeutique, décidée par une loi votée à la sauvette avant les élections pour s’attirer les votes des chrétiens conservateurs. Depuis, de nombreuses contestations se sont élevées, y compris venant de l’extérieur, et même le cardinal Obando a déclaré être disposé à participer à un forum avec les scientifiques sur ce thème, tandis que Rosario Murillo, l’épouse d’Ortega, insistait sur l’obligation d’obéir à la loi et donc de rejeter la possibilité de l’avortement thérapeutique, faisant ainsi preuve d’un entêtement que même la dictature de Somoza en son temps n’avait pas imaginé… Des forums sont organisés sur ce thème par des juristes, des médecins, divers médias, et on peut espérer que le bon sens finira par l’emporter.…
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce pays vu que tout est à (re)faire sur le plan social et économique.
Le 19 février, Jean Loison, en séjour en France pour deux mois, nous a fait l’amitié de venir à Poligny et à Lons nous parler de son expérience d’infirmier et de prêtre travaillant au Nicaragua depuis 23 ans. Toujours au contact des plus défavorisés, il note leur souci de vivre dans la dignité. Pas de travail, pas de RMI, pas de Sécurité Sociale, mais les gens ne souhaitent pas être assistés et se débrouillent pour “ survivre ”. Le lien familial est fort et la solidarité n’est pas un mot creux mais une réalité vécue comme un fait ordinaire, comme pour ces voisines qui trouvent tout naturel d’adopter des enfants demeurés orphelins.
Outre les obligations liées à sa profession, Jean accompagne une action de construction de “ maisons dignes ” dans les quartiers les plus pauvres de la ville d’Estelí. Une maison revient à 1900 Euros. Pour en construire une, la famille doit fournir la main-d’œuvre qui travaillera sous les conseils du maçon, rémunéré lui, et confectionner les parpaings nécessaires dans la fabrique située à proximité. Si la famille ne compte pas d’éléments masculins adultes, – il y a souvent des mères chefs de famille -, ce sont des amis qui prêteront main forte.
Dans son périple en France, Jean a rencontré un groupe de 14 élèves ingénieurs à Evry (Essonne), qui préparent leur séjour de juillet à Esteli en travaillant dans les supermarchés : placés près des caissières, ils font de l’ensachage. Ils ont déjà réuni 6500 Euros et d’ici l’été, ils pensent pouvoir construire 6 ou 7 maisons… Bel exemple de solidarité en action en attendant de vivre une expérience inoubliable, qui nous rappelle l’année 1987, où des membres du CALJ construisaient un “ Centro Preescolar ” à Ciudad Darío avec les amis de Lutterbach.
Peut-on soutenir de telles actions ponctuelles ? Bien sûr, il est toujours possible de verser un don au CALJ qui le transmettra à Jean Loison. Mais Jean nous rappelle aussi que l’exportation de café est la seconde ressource du pays – après l’envoi de fonds par les nicaraguayens émigrés- , et il suggère de nous pencher sur les responsabilités que nous avons, dans notre pays, sur les variations des prix du café, prix fixés par les Occidentaux, à la Bourse de Londres ou de New-York… Des prix corrects aux producteurs d’Amérique Latine marqueraient le début de rapports moins inégalitaires… A quand un formidable groupe de pression dans ce sens ? Question à poser.