Nouvelles brèves

Alphabétiser avec  “ Yo, sí puedo” ( Moi, oui je peux…) (déc.08)

L’analphabétisme est un phénomène particulier qui laisse des blessures profondes dans les êtres humains. Il existe dans le monde 860 millions d’analphabètes absolus, et 98,5 % d’entre eux se trouvent dans les pays en développement. Cette situation a une solution : alphabétiser  les adultes et les jeunes qui ont abandonné trop tôt l’école primaire. Beaucoup d’organisations humanitaires ont imaginé des méthodes dans ce but,  mais la volonté politique de l’Etat – ou son absence- est un facteur déterminant.
Il n’est pas possible d’atteindre le niveau zéro d’analphabétisme et le standard de l’UNESCO  place la barre en dessous de 4 % de la population.

Actuellement la méthode cubaine “ Yo, sí puedo ” a déjà permis à plus de 3 millions de personnes de 27 pays d’apprendre à lire et à écrire. Conçue par des pédagogues cubains et adaptée à 12 langues différentes ( anglais, portugais, français, créole…mais aussi quechua, aymara, pour les indigènes de la région andine) elle est d’une utilisation simple et peu coûteuse. Il suffit d’une télé et de vidéo-cassettes, ou à défaut, d’un poste de radio, et d’un cahier  par  élève. La méthode est basée sur la connaissance préalable des chiffres : à travers l’association entre lettres et chiffres, il est facile d’apprendre à écrire.

La méthode Yo, sí puedo a reçu de l’UNESCO  le Prix d’Alphabétisation Rey Sejong pour sa contribution à un meilleur niveau éducatif dans le monde.( Rappelons que CUBA fut déclaré territoire libre d’analphabétisme dès 1961. Comme le disait le poète José Marti, apôtre de l’indépendance cubaine, “ seule une personne cultivée est libre ”).

Après avoir  utilisé avec succès l’alphabétisation par radio en Haïti en 1999, la méthode a démarré en 2004  au Venezuela où elle permis d’alphabétiser un million et demi de personnes, avec seulement la participation d’un “ facilitateur ” par groupe de dix personnes.

Par sa rapidité – de 7 à 10 semaines – et son efficacité, Yo, sí puedo est maintenant la méthode la plus utilisée. Il est prévu de l’employer dans huit pays africains.

L’échec de nombreuses tentatives d’alphabétisation réside dans  le manque de suivi. L’importance du suivi est vitale pour entretenir les connaissance acquises. On a constaté qu’une personne récemment alphabétisée retombe dans l’illettrisme au bout de deux ans si elle n’a pas l’occasion d’entretenir ses acquis.  Les pédagogues cubains ont donc développé un Programme de Suivi : Yo, sí puedo seguir (Moi, je peux continuer) qui permet aussi d’aborder les problèmes de la vie quotidienne et facilite une meilleure intégration sociale.

En définitive, Yo, sí puedo va au-delà de la simple alphabétisation : sans intervenir dans les affaires internes des nations où elle est appliquée, cette méthode offre aux bénéficiaires des instruments nécessaires dans la lutte pour un monde meilleur.

Sagesses indigènes. ( décembre 2008 )
(Gustavo Duch Guillot , “ Veterinarios sin Fronteras ”, Espagne)

Tandis que se tient la XIVème Conférence sur le Changement Climatique organisée par les Nations Unies à Poznan (Pologne), j’écoute les voix des Nations Indigènes.

Ils se sont réunis autour d’un feu.Un vieil indien mohave venu de l’Arizona dit “ il y a quelque chose de très spécial dans ce que nous faisons maintenant, les gens qui ne sont pas indigènes font une immense flambée, si grande qu’ils doivent s’en écarter. Mais nous, nous faisons un petit feu pour que tout le monde se rapproche. ”

Ainsi regroupés, on peut sentir le chaleur humaine, la plus durable des énergies. Pelotonnée près de lui, Rita, qui est née dans une barque de pêcheur du peuple yupik, en Alaska, explique que ses terres n’ont pas d’arbres, pas de forêts, et qu’ils comptent sur le bois qu’apportent les courants. “ L’Univers, dit-elle, appartient à tous, par conséquent  nous ne sommes propriétaires de rien. ”

Emi, dont les mains jouent avec ses deux tresses de cheveux noirs aymara, explique que la nature nous donne des signes. Il faut écouter le mauri. Le mauri est un poisson qui vit dans les ríos de l’altiplano andin et dans le lac Titicaca. “ Quand je dépose mes œufs, dit le poisson, j’observe d’abord où  je peux les poser. Si je les place au centre du río c’est parce qu’il ne pleuvra pas beaucoup, et pour que mes petits  puissent vivre il faut qu’ils soient en permanence dans l’eau, et le centre est l’endroit le plus adapté parce que l’eau y est plus profonde. Si je pose mes œufs près de la rive du río, cela signifie qu’il y aura des pluies constantes. ” Cette année les œufs dorment au centre du río.

Comment survivrons-nous, hommes et femmes, paysans et paysannes, si notre Mère la Terre est malade, quel futur auront nos enfants, pouvons-nous avoir confiance en ces sommets ? se demandent-ils. Un dirigeant paysan mexicain se lève et raconte qu’un jour il a été attaqué par un ours. Il regarda de tous côtés en cherchant de l’aide et ne vit personne. Alors il regarda le ciel et dit : “ Mon Dieu, si tu ne veux pas m’aider, au moins ne te mets pas du côté de l’ours ”. Autour du foyer les rires éclatent parce que hommes et femmes  savent que, bien sûr, même s’ils ne peuvent rien attendre de la Conférence, ils ne sont pas seuls.

Et je demande : cette allégresse, cette espérance… d’où viennent-elles ? Sans cesser de rire, une paysanne du Cauca colombien me répond: “ Ça nous amuse beaucoup de voir comment les colibris peuvent déplumer le condor. Sans plumes cet animal si fier ne peut pas voler… ”

Mesdames et Messieurs réunis à Poznan, ne vous mettez pas du côté de l’ours.…

L’énorme échec de la croisade contre les drogues. (déc.08)
( Source : ALAI, //alainet.org/active/view_docs.php3 )

Les mandataires d’Amérique Latine, des Caraïbes et d’Amérique Centrale ont reconnu que les narcotrafiquants ont suffisamment d’argent et d’armes pour faire front à de nombreux Etats. Cette constatation a été faite au cours du 18ème Sommet Ibéroaméricain qui s’est tenu récemment. Les mandataires ont aussi convenu de se coordonner et d’échanger l’information mais ceci semble une tiède proposition face à la gravité du problème.
La solution ne semble pas être de vaincre les narcotrafiquants par des moyens policiers, chose impossible jusqu’à ce jour. C’est précisément le contraire que l’on a obtenu : des secteurs de la police et des forces armées ont été corrompus par des narcotrafiquants. La solution serait d’éliminer la possibilité de négoce.
Le négoce des narcos est la vente de substances sédatives ou stimulantes dénommées “ drogues ” et interdites. L’interdiction et la croisade déclenchées au temps du Président Reagan ont fourni aux drogues une incroyable plus-value. Cette plus-value a enrichi jusqu’à un point inénarrable les délinquants, et les immenses fortunes obtenues ont permis et permettent encore d’acheter tous les types d’armes, de transports, d’infrastructures… sans compter  de nombreuses consciences, des mandataires, des dirigeants policiers et militaires, des charges politiques et tout ce qu’on peut envier.
Une solution – comme l’a publié à plusieurs reprises le très conservateur The Economist, et comme l’ont soutenu d’illustres conservateurs ainsi que des personnalités progressistes – serait de faire que ce négoce cesse d’en être un. Et un moyen d’en finir avec le négoce des drogues est de les dépénaliser.
Antonio Pedrol Rius, qui fut président de la Fédération des Collèges d’Avocats d’Espagne vers les années 80 et qui n’était pas précisément de gauche, écrivit en 1986 que “ la guerre contre les narcotrafiquants, telle qu’elle est menée par les voies de la répression policière et judiciaire, est perdue d’avance. On lutte contre un monstre économique qui brasse des centaines de millions de dollars par an et qui utilise la corruption. L’unique alternative valide est de livrer la bataille dans le domaine économique. J’ai proposé à  plusieurs reprises de déclarer la drogue commerce de l’Etat ”. Que dirait aujourd’hui don Antonio ?
Quatre décennies de croisade contre les drogues n’ont pas réussi à réduire la superficie des terres cultivées des plantes qui les produisent, ni en Amérique Latine ni en Afghanistan. Un rapport présenté récemment au Congrès des Etats-Unis conclut que le Plan Colombie n’a pas réussi à diminuer les cultures illégales dans le pays. On prétendait réduire de 50 % en six ans culture, transformation et distribution de drogues illégales. C’est le contraire qui s’est produit.
“ Les cultures de coca et la production de cocaïne se sont accrues respectivement de 15% et 4% ”, selon le Bureau Général de Comptabilité du Congrès des Etat-Unis. Et ceci bien que la Colombie ait reçu 5000 millions de dollars depuis 1999 pour lutter contre le  narcotrafic. Et la situation est semblable en Afghanistan.
On n’est pas non plus parvenus à réduire la demande de drogues et, malgré les centaines de millions de dollars consacrés à la croisade, l’industrie illégale et criminelle des narcotrafiquants est aujourd’hui plus prospère et plus forte que jamais.
Selon le Programme de l’ONU pour le contrôle international des drogues, celles-ci pourraient représenter de 500 000 à 600 000 millions de dollars par an. De l’argent qu’il faut blanchir. Et là nous entrons dans une autre obscurité de l’Economie Criminelle Globale qui utilise, rend possible et alimente l’une des pires tumeurs de notre temps : les paradis fiscaux. Drogues et paradis fiscaux sont étroitement liés.
Entre les volumes d’argent criminel et le réseau opaque de l’argent, à cause des drogues nous nous trouvons aujourd’hui avec des Etats contaminés, intoxiqués, pénétrés et corrompus par le pouvoir économique  des groupes organisés de narcotrafiquants.
Devant un tel désastre, l’idée me vient de demander à Barack Obama de prévoir dans son agenda bien rempli de lancer le chemin  – qui sans doute sera long –   pour dépénaliser les drogues et priver ainsi de négoce les criminels narcotrafiquants, de même que les autorités fédérales étatsuniennes eurent le courage de déroger la néfaste Ley Seca, qui causa tant de dommages (comme le reconnut le Sénat des Etats-Unis lui-même) durant une partie du 20ème siècle.
Quatre décennies d’échecs retentissants sont une preuve suffisante que interdiction et “ croisade ” ne sont pas la voie efficace.

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