(extrait de l’article de Raúl Zibechi, LA JORNADA, Mexique)
La récente approbation du TLC (Traité de libre Commerce) entre Colombie et Etats-Unis réaffirme la politique militariste du gouvernement de Barack Obama envers l’Amérique Latine, comme principale voie pour résoudre la crise économique et le déclin de l’hégémonie globale et régionale. Le président colombien Juan Manuel Santos a déclaré : “ C’est le traité le plus important que nous ayons signé dans notre histoire ! ”, même s’il va ruiner la production agropastorale comme ce fut déjà le cas dans tous les pays qui ont signé ces accords. Cependant, comme le signale un journaliste colombien dans un article intitulé “ L’empalement ”, le traité est en réalité “ un acte de soumission ” qui aggrave le rôle de gendarme régional de la Colombie. Nous sommes devant une évidente option des élites pour le “ néolibéralisme armé ” qui leur permet d’accroître les profits tout en bloquant les protestations sociales. Ce modèle, qui s’applique déjà avec succès au Mexique et au Guatemala, et qui tend à déborder vers toute la région, est le régime politique adéquat pour promouvoir “ l’accumulation par spoliation ”.Officiellement, la Colombie a le plus fort budget militaire de la région, avec des dépenses atteignant 4 % du PIB, pourcentage double du budget militaire brésilien, et presque triple de celui du Venezuela. L’armée de Colombie compte deux cent trente mille membres, autant qu’au Brésil, qui a une superficie six fois supérieure et quatre fois plus de population. La disproportion par rapport à ses voisins l’Equateur et le Venezuela est énorme, mais les médias s’ingénient à affirmer que la véritable menace sur la paix régionale provient de Caracas !
Sous les deux gouvernements successifs d’ Alvaro Uribe, ( 2002-2010), les paysans furent spoliés de six millions d’hectares, et il y eut 3 millions de déplacés. A la politique de privatisation de son prédécesseur ( télécommunications, banques, pétrole), Santos ajoute à présent la primauté de l’économie orientée vers l’exploitation de minéraux, de gaz, charbon, or et pétrole, ainsi que l’expansion de l’agroexportation ( soja, canne à sucre et palme africaine ). Une partie des capitaux “ investis ” dans ces négoces provient du paramilitarisme et du narcotrafic, qui ont uni les armes et les biens spoliés.
La Colombie figure parmi les dix pays du monde réunissant le plus d’inégalités. Avec les réformes du travail, les entreprises ne paient plus les heures supplémentaires. Santé et éducation subissent des restrictions pour pouvoir alimenter le budget militaire et la privatisation avance sur les universités malgré la vaste mobilisation sociale des étudiants. C’est le résultat du “ néolibéralisme armé ”, fils prodigue du Plan Colombie, couronné maintenant par le TLC.
A l’intérieur du pays, le Plan Colombie signifie spoliation et militarisation pour freiner la résistance. Vu de l’extérieur, il convertit le pays en principale plateforme de la politique militaire du Pentagone. Guerre et militarisation se sont développées précisément dans les départements qui présentent le plus de résistances sociales, et ce sont aussi ceux où les mégaprojets d’extraction sont le plus intenses.
Selon un militant du SERPAJ *, “ L’agronégoce a besoin d’avancer sur les terres du narcotrafic, et dans ce conflit la militarisation joue en faveur du soja. Le paysan qui plante de la marihuana est au plus bas de l’échelle, et quand on vient l’arrêter, sa femme vend son terrain pour le sortir de prison, et elle le vend aux planteurs de soja. ” La Coordination des Droits Humains dénonce qu’il y a 500 militants sociaux arrêtés, que les tortures sont fréquentes et que la justice utilise les termes de “ perturbation de la paix publique ” pour les marches sans blocage de route, et de “ sabotage ” pour les routes coupées, avec 10 ans d’emprisonnement.…
* SERPAJ : Service Paix et Justice. Le SERPAJ-Amérique Latine fut fondé en 1974 à Medellin, Colombie, et Adolfo Pérez Esquivel, argentin, Prix Nobel de la Paix en 1980, en assure la coordination générale. Son principal engagement est la lutte pour le respect de la vie comme valeur suprême et la construction de la paix, “ fruit de la justice ”. Le SERPAJ-A.L. a un statut consultatif auprès de l’UNESCO depuis 1987, il a reçu le Prix de Messager de la Paix de l’ONU et le Prix d’Education pour la Paix de l’UNESCO. (www.serpajamericalatina.org)
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