Voici une organisation guatémaltèque dont nos médias n’ont sans doute jamais parlé bien qu’elle existe depuis 1985. Il s’agit de CONAVIGUA, association de femmes mayas dont l’objectif peut se résumer en trois mots : RÉSISTANCE PACIFIQUE ACTIVE. Travail associatif difficile mais déterminé dans un contexte de répression, de mort, d’angoisse…
Le contexte:
1985 : Le pays est sous la coupe des militaires. De 1978 à 1985 : les atteintes aux droits humains et la répression contre les groupes d’opposition et les indigènes atteignent un niveau alarmant. 40 000 indigènes en sont victimes durant cette période. Le nombre des veuves est élevé, leur situation difficile, obligées de chercher un travail en ville ou en région côtière pour nourrir leurs enfants, et toujours payées au rabais.
Pourtant des femmes mayas s’unissent pour survivre et dénoncer cette politique de répression, les assassinats et la disparition de leurs proches, la militarisation grandissante du pays, ainsi que les viols, une autre arme pour humilier. Ces femmes entreprennent ensemble des démarches auprès des maires, des prêtres, pour demander un soutien. Quelques prêtres les aident à faire des pétitions et à distribuer des vivres.
Se coordonner…
Les groupes de base veulent se coordonner au plan national, et les difficultés sont considérables : éloignement et problèmes de communication, car peu de femmes indigènes parlent espagnol, elles ne connaissent que l’une des 22 langues mayas. La compréhension mutuelle est difficile. En 1988 pourtant, une assemblée nationale décide la constitution formelle de l’organisation : elle s’appellera CONAVIGUA, Coordinadora Nacional de Viudas de Guatemala, (coordination nationale des veuves du Guatemala).
Dix mois après sa création, CONAVIGUA compte déjà 8000 adhérentes et devient la principale organisation de femmes guatémaltèques. Elle accueille désormais toutes les femmes seules, indigènes ou non, qui sont en difficulté. Pas de distinction entre elles ni de discrimination basée sur l’ethnie ou la religion.
Les objectifs de CONAVIGUA:
Les objectifs fondamentaux sont : la lutte contre le recrutement forcé des jeunes, la dénonciation des assassinats et des viols, le respect des droits de la personne. CONAVIGUA participe aussi aux recherches des cimetières clandestins et aux premières exhumations sur les lieux des grands massacres. Officiellement créée, CONAVIGUA devient membre de l’Union d’Action Syndicale et Populaire et peut ainsi prendre part au dialogue national.
Dans l’immédiat: La majorité des femmes de l’organisation CONAVIGUA ont expérimenté les maux d’une culture raciste et excluante. Elles luttent contre toutes les formes de discrimination.
Elles réalisent des actions pour pallier les besoins urgents des enfants : nourriture, santé, logement ; des interventions auprès du gouvernement pour exiger le respect des droits humains, des lois protégeant les veuves et assurant la scolarisation des enfants ; des sanctions pour les militaires et les membres des patrouilles civiles qui ont commis viols et autres exactions ; des actions de formation des femmes : éducation à la santé, alphabétisation, information sur les lois.
Début 1990 marque une recrudescence de répression contre les groupes d’opposition. En mars une déléguée de CONAVIGUA est assassinée. Manifestations de protestation et remise de pétitions au Président Serrano, qui a augmenté les salaires des militaires et fait entrer deux officiers à la Cour Suprême.
En 1992, CONAVIGUA participe à la campagne « 500 ans de résistance indigène et populaire » et se réjouit de la nomination de Rigoberta Menchú, Prix Nobel de la Paix.Les femmes se prennent à espérer que cette distinction internationale apportera aux femmes plus de protection. Mais dès le lendemain deux femmes sont enlevées et maltraitées parce qu’elles ont préparé le repas de Rigoberta dans la maison de CONAVIGUA.
A partir de 1993, la lutte contre le recrutement forcé est au centre des activités de CONAVIGUA, qui réussit à collecter 33 000 signatures pour présenter une initiative de loi. L’association lutte « pour l’interdiction du recrutement forcé, pour le service militaire volontaire, pour le droit à l’objection de conscience et à un service social ».
L’une des activités essentielles est à présent de protéger les jeunes gens vis-à-vis de l’armée. Il y a même des villes où l’armée ne vient plus recruter parce qu’elle n’a plus aucune chance. Mais les militaires capturent les jeunes dans les régions où la communauté indigène ne peut plus les protéger : dans les marchés de l’emploi, de la région côtière où les jeunes, qui ne connaissent même pas leurs droits, travaillent des mois dans les plantations de canne à sucre, de coton ou de café. Il ne reste plus alors qu’à racheter les garçons auprès des officiers.
En 1994 une vaste campagne nationale et internationale soutenue par de nombreuses ONG, contribue à faire libérer beaucoup de jeunes. La « résistance pacifique active », nouvelle manière de résister et de lutter dans un contexte de lutte armée interne, s’avère efficace. A partir de 1996, CONAVIGUA canalise ses efforts sur le respect des Accords de Paix, en particulier sur l’indemnisation des personnes affectées, la dignité de la femme et le développement des communautés.
En 2000 l’organisation obtient la Personnalité Juridique et planifie pour les 5 ans à venir ses objectifs. CONAVIGUA est présente dans une douzaine de départements, dans 188 communautés où elle est structurée en commissions locales. Les actions destinées à aider les femmes ne sont pas de caractère assistencialiste, mais visent à les rendre plus autonomes : alphabétisation, cours d’hygiène, de jardinage, informations juridiques…
« La formation est une nécessité permanente de notre organisation pour élever le niveau de connaissances des femmes, promouvoir la participation, actualiser les connaissances sur les thèmes de lutte de CONAVIGUA… »
Exhumations et inhumations:
Pour rendre aux victimes de la guerre leur dignité, il convient de leur redonner une inhumation décente. La demande est importante de la part des communautés, et le processus est nécessaire pour la santé mentale des familles ainsi qu’au plan légal. Ces travaux, qui répondent aux recommandations des Accords de Paix de 1996, sont une tâche stratégique pour CONAVIGUA.
Les actions concernant les exhumations de cimetières clandestins se concentrent dans les départements où eurent lieu des massacres et exactions diverses par l’armée et les paramilitaires (notamment El Quiché, Sololá, Chimaltenango, Izabal, Alta Verapaz et Baja Verapaz). Les exhumations sont coordonnées avec la Fondation d’Anthropologues Légistes du Guatemala. Puis ont lieu de nouvelles inhumations avec cérémonies mayas.
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