(www.noticiasaliadas.org)
Ollanta Humala fut élu président du Pérou fin juillet 2011; il s’engagea à promouvoir le dialogue pour résoudre les conflits sociaux qui abondaient dans le pays. Le nouveau gouvernement héritait en effet de 214 conflits sociaux, dont 118 étaient socio-environnementaux, particulièrement contre des projets miniers.
Mais après quatre mois de pouvoir, Humala fut amené à imposer un pouvoir plus autoritaire pour contrôler les manifestations sociales contre les activités extractives. Le grand détonateur de ce changement fut le projet Conga, pour l’extraction d’or et de cuivre situés sous quatre lagunes au sud-est du département de Cajamarca. Le projet devrait être exploité par Minera Yanacocha, propriété de l’entreprise états-unienne Newmont Mining, la péruvienne Buenaventura et la Corporation Financière Internationale, affiliée à la Banque Mondiale.
La population de Cajamarca s’est opposée avec ténacité au projet situé dans le chef-lieu de la vallée, et qui prétend transvaser les eaux des lagunes dans des réservoirs artificiels. Une étude d’impact environnemental de Conga a révélé des vides préoccupants, dont l’inexistence d’une étude hydrogéologique, indispensable pour le fonctionnement des lagunes, et l’absence d’évaluation des services environnementaux de ces écosystèmes. Conclusions confirmées par la suite par trois experts étrangers contactés par l’Etat.
Les experts critiquent que l’étude d’impact environnemental ait été réalisée par des personnes désignées par les entreprises minières elles-mêmes, et que son approbation soit confiée au Ministère de l’Energie et des Mines qui octroie les concessions.
La décision de Humala d’impulser le projet Conga, en abandonnant le dialogue et en imposant l’état d’urgence pour contrôler les mobilisations de protestation, se heurta à la grève illimitée à partir du 30 mai. Détention des autorités, répression policière et militaire.
17 personnes sont mortes dans des affrontements avec la police et l’armée.
Jusqu’en juin, la Defensoría del Pueblo (*)avait enregistré 247 conflits sociaux, dont 60 % environnementaux, et en majorité contre des activités extractives. En outre, durant ce seul mois elle nota 93 actions collectives de protestation.
La présence disproportionnée d’effectifs policiers dès le premier jour de grève généra un climat de méfiance sur la possibilité de résoudre le conflit par le dialogue avec les autorités gouvernementales et l’entreprise. Mais le gouvernement répondit aux manifestations par la déclaration de l’état d’urgence et l’arrestation sans motif d’un maire, Oscar Mollohuanca, mis en détention préventive pour cinq mois afin d’enquêter sur sa prétendue participation aux manifestations.
Les autorités gouvernementales, les secteurs des entreprises et les médias s’accordent à dire qu’il existerait une sorte de « complots de secteurs extrémistes et anti-miniers » dans ce conflit comme dans les autres.
Mais à l’intérieur du pays, l’Institut de Défense Légale (IDL) donne une autre interprétation des faits : « Il y a dans la population une préoccupation réelle pour les effets que ces entreprises produisent sur la qualité de l’eau, sur leur intégrité physique et sur l’activité agro-pastorale dont ils vivent. Et devant l’indifférence du gouvernement et de l’entreprise, la protestation commence à se radicaliser… Après c’est la répression. Mais le résultat de tout cela c’est que les habitants sentiront une fois de plus que le gouvernement se met de manière inconditionnelle du côté des entreprises, que celles-ci gagneront toujours, que leur vie à eux ne vaut rien et que leurs dirigeants et leurs autorités peuvent être traités comme des délinquants ».
Le risque d’un débordement majeur a amené la nomination, début juillet, de deux membres de l’Eglise catholique, l’archevêque Miguel Cabrejos et le prêtre Gastón Garatea, comme médiateurs dans un dialogue entre gouvernement, autorités et dirigeants de Cajamarca.
Analystes et experts considèrent que la seule manière d’arriver à une solution de ce conflit est la suspension, au moins temporaire, du projet Conga, le renouvellement du cabinet devant son incapacité à parvenir à des accords durables, et l’avancée dans le renforcement et l’application des régulations environnementales.
(*) La Defensoria del Pueblo : C’est un organe constitutionnel autonome qui existe depuis 1993. Sa mission est de protéger les droits fondamentaux des personnes et des communautés. Son titulaire, le Défenseur du Peuple, n’est pas un juge. Son rôle est de rechercher des solutions à des problèmes concrets, de proposer des stratégies, d’assurer une médiation.
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