Rappel du contexte.
En 2006, Manuel Zelaya, candidat du Parti Libéral, arrivait au pouvoir. Peu après, ses choix en matière de politique sociale évoluèrent et il intégra le Honduras dans l’ALBA, créée en 2004 par Cuba et le Venezuela. En 2009, la droite hondurienne orchestra un coup d’Etat, appuyée par l’ambassade nord-américaine de Tegucigalpa. Zelaya fut éloigné du pouvoir et après la brève présidence de facto de Micheletti, des élections présidentielles très contestées portèrent au pouvoir Porfirio Lobo, du Parti National.
Lobo accorda aux multinationales des concessions très importantes : construction d’une réserve hydroélectrique en territoire paysan, création de Zones Spéciales de Développement (zones du pays sur lesquelles l’Etat abandonne sa souveraineté, créant ainsi des paradis où les entreprises étrangères réalisent leurs affaires sans aucun type de régulation). Par ailleurs la dette publique a terriblement augmenté : 40 % du PIB.
Depuis quatre ans, le Honduras connait une brutale répression, dont les principales victimes sont les mouvements paysans et les travailleurs de la presse. On estime les assassinats politiques à plus de 300, dont une centaine de paysans et 35 journalistes. Cette flagrante violation des Droits Humains est ignorée au plan international.
Les élections.
C’est le 24 novembre qu’ont eu lieu les présidentielles qui revêtaient une grande importance pour l’Amérique Latine et les Caraïbes. Deux candidats étaient en tête dans les sondages : Xiomara Castro de Zelaya, l’épouse de Manuel Zelaya, du parti LIBRE ( Liberté et Refondation), et Juan Orlando Hernández, du Parti National du Honduras, favorable au gouvernement en place (PNH).
Le programme de LIBRE visait la souveraineté alimentaire, la construction de systèmes éducatifs et de santé publique, le développement de systèmes d’économie sociale permettant de sortir de la pauvreté des millions de Honduriens.
Autre aspect très important : LIBRE était favorable à une intégration latino-américaine à travers l’UNASUR, l’ALBA (quittée par le Honduras après le coup d’Etat de 2009), entités alternatives à l’ingérence de Washington. LIBRE apparaissait comme « l’unique choix représentant le changement en faveur des majorités du Honduras » et était appuyé par la plupart des organisations populaires.
La fraude.
A 95 % du comptage des résultats, le candidat du PNH présentait un avantage de 8 % sur la candidate de LIBRE. Mais les constatations et dénonciations de fraudes multiples s’accumulaient et totalisaient plus de 800 000 cas, allant des électeurs enregistrés décédés « par erreur » aux distributions de paniers alimentaires, aux manœuvres d’intimidation, aux bureaux de vote volontairement non comptabilisés, etc. Des protestations s’élevèrent de toutes parts, affirmant que l’ »erreur » des résultats concernaient quelque 800 000 votes… La protestation du groupe Jubileo Sur comprenant des observateurs de plusieurs pays d’Amérique Centrale appelle toutes les organisations populaires à se solidariser avec le peuple hondurien.
L’indignation d’ Adolfo Pérez Esquivel.
La lettre ouverte de Adolfo Pérez Esquivel au Secrétaire Général de l’OEA , (Organisation des Etats Américains) José Miguel Insulza, exprime une indignation partagée par le peuple hondurien :
« Les chemins de l’émancipation des peuples à travers le temps, ont causé bien des douleurs et des souffrances. Surtout sur notre continent où nos frères et sœurs ont donné leur vie dans l’espoir de construire des sociétés plus justes et plus libres. La résistance des peuples aux dominations successives et aux dictatures militaires sur tout le continent continue d’être un droit inaliénable.(…)
Il suffit de rappeler le blocus imposé au peuple cubain durant plus de cinquante années, malgré les votes successifs aux Nations Unies contre la décision des Etats Unis de poursuivre leur agression, et l’emprisonnement injuste des cinq cubains dans les geôles de ce pays du Nord. (…)
Les luttes populaires ont réussi à mettre en place des gouvernements constitutionnels et à avancer dans la construction démocratique, qui ne se limite pas à l’acte électoral. Mais cette voie doit encore se consolider sur ce continent où pèsent difficultés et obstacles dus à ceux qui prétendent imposer la domination économique, politique et culturelle et maintenir les peuples dans la soumission. Il suffit de penser aux tentatives de destruction du processus révolutionnaire du Venezuela, ou de coups d’Etat en Bolivie et en Equateur.
Il n’est pas possible non plus d’ignorer les coups d’Etat de ce siècle en Haïti, au Honduras et au Paraguay, ainsi que la terreur imposée par les Etats Unis qui continuent d’étendre leur présence et leurs bases militaires sur le continent pour le contrôle hémisphérique de leurs intérêts.
Au Honduras ils ont tenté de déguiser le loup en agneau, comme à travers les élections illégales de 2009 qui cherchaient à légitimer le gouvernement et le système qui a accru la reddition du pays et la répression de son peuple, provoquant exil, mort et emprisonnement pour les militants défenseurs des droits humains.
L’OEA a commis l’erreur de reconnaitre ce gouvernement de facto hondurien, tout en connaissant les graves violations des droits humains contre le peuple.
Les élections réalisées au Honduras ce 24 novembre ont été marquées par les manipulations et la fraude dans un contexte de forte militarisation et d’intimidation de la population. Le parti LIBRE qui soutient la candidate Xiomara Castro réclame le recomptage des votes et dénonce la fraude électorale.
Les observateurs et observatrices internationaux témoignent de graves irrégularités commises par le gouvernement de facto et d’actes de violence contre des témoins et des électeurs de LIBRE.- On ne peut pas affirmer que ces élections se soient réalisées dans des conditions normales comme l’ont signalé les missions d’observation de l’OEA, de l’Union Européenne et d’autres encore.
Le pays est face à de graves dangers devant la fraude organisée et la complicité du Tribunal Suprême Electoral. La réponse du gouvernement de facto est la répression contre les étudiants et les organisations sociales, tout en imposant son candidat par toutes sortes d’irrégularités et par la violence.
Nous réclamons à l’OEA, à la communauté internationale, à la CELAC, aux gouvernements démocratiques latino-américains et caribéens, de garantir le recomptage des votes, la vie et la sécurité du peuple hondurien.
J’espère, Monsieur le Secrétaire Général, que vous entendrez les voix qui s’élèvent de tout le continent et du monde entier, réclamant la transparence et le respect pour le peuple hondurien et le droit à élire librement ses gouvernants.
Fraternellement … »
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