PEROU. Les stérilisations forcées : non classées comme délits !
(ADITAL, 13 février 2014)
En mars 2013 nous avions publié sur le Pérou un article intitulé « Remédier à la pauvreté en éliminant les pauvres ? »Après des milliers de cas de stérilisations et de vasectomies forcées durant l’époque Fujimori, des femmes et des hommes étaient alors en attente d’une réponse de la Justice.…
Un rapport d’Amnesty International dénonce aujourd’hui qu’ après plus de dix années d’attente, environ deux mille femmes paysannes et d’origine indigène, toutes forcées de réaliser la stérilisation, se trouvent à présent devant une terrible réalité : leurs droits à la justice sont niés.
Ces stérilisations forcées au Pérou firent partie d’une politique de contrôle de la natalité destinée aux secteurs les plus pauvres de la population. De nombreuses femmes furent menacées d’amendes, de prison, et de privation de l’aide alimentaire de l’Etat si elles n’adhéraient pas au programme.
Certaines ne savaient même pas de quoi il s’agissait, comme Micaela, qui raconte : »On nous emmena en camions. Nous étions contentes. Nous étions près de 30 femmes qu’on emmenait au centre de santé soi-disant pour un examen général. Nous sommes entrées là-bas. Mais les portes furent fermées au cadenas. On me mit sur un brancard et on m’attacha les pieds.… »
Beaucoup de femmes opérées ne reçurent pas les soins post-opératoires nécessaires et eurent ensuite des problèmes de santé. 18 perdirent la vie.
Actuellement, le procureur prétend interroger seulement les médecins responsables du processus qui fut interrompu en 1998 avec la mort de Maria Mamérita Mestanza Chávez, après une stérilisation forcée.
Selon les informations obtenues dans les documents d’organes gouvernementaux qui enquêtèrent sur ces cas, les médecins responsables du processus devaient réaliser des quotas, pour lesquels ils recevaient une prime, mais ils étaient aussi menacés de sanctions s’ils n’atteignaient pas le quota.
Selon Amnesty, « il est lamentable de voir qu’après une si longue attente, le procureur ait pris la décision d’accuser formellement le personnel médical qui avait été impliqué dans un cas seulement, sans chercher à éclaircir toutes les responsabilités et à tous les niveaux, pour les deux mille autres cas. »
Le procureur chargé de ce cas, Marco Guzmán Baca, a argumenté que la législation péruvienne ne classe pas la stérilisation forcée parmi les délits. Par conséquent, selon lui, les faits dénoncés ne constitueraient pas des délits de lèse-humanité.
Cependant, l’avocate des victimes, Rosy Salazar, réfute cette déclaration, affirmant que, depuis le début de la décennie 1990, la communauté internationale considérait déjà la stérilisation forcée comme un délit.
Amnesty, dans ce même rapport, déclare : « il est urgent que les autorités du Pérou révisent cette décision absurde et respectent leurs obligations internationales en matière de droits humains, sexuels et reproductifs, et qu’ils garantissent ainsi le droit à la vérité, à la justice et à la réparation pour toutes ces femmes et leurs familles ».
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE. Les fémi(ni)cidios constituent une réalité préoccupante.
(Noticias Aliadas, 12/2013)
Environ 200 femmes meurent de manière violente chaque année, ce qui situe le pays comme le 3ème de la région avec l’indice de femicidios le plus élevé. De janvier à novembre 2013, le Procureur Général de la République a enregistré 140 cas de morts de femmes, dont 69 femicidios et 71 homicides. En 2011 on enregistrait 128 cas de femicidios et en 2012, 103 cas. Il y aurait donc une diminution graduelle des femicidios.
Cependant ces nombres font de la République Dominicaine le 3e pays d’Amérique Latine-Caraïbes avec le taux le plus élevé de femicidios pour cent mille habitants, selon l’Observatoire de l’Egalité de Genre de la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL).
Le procureur général a révélé que 80 % des cas de femmes maltraitées ne dénoncent pas les faits aux autorités car elles n’ont pas confiance dans la Justice: les femmes doivent en effet affronter un système de justice qui les contraint de remettre elles-mêmes à l’agresseur l’ordre de citation du juge, ou bien de payer un « alguacil » qui remplirait cette fonction. Aussi renoncent-elles à la dénonciation. En outre, les condamnations sont rares, et l’impunité est l’autre raison qui décourage les femmes de poursuivre ce long processus onéreux.
Le femicidio n’est pas répertorié dans le Code Pénal dominicain, donc les décès sont jugés comme homicides, et très peu de cas sont condamnés à la peine maximale de 30 ans d’emprisonnement. La loi prévoit des sanctions pour violences intrafamiliales de 15 ans maximum.
Natividad López, psychologue du Ministère de la Femme, a indiqué aux autorités que les cas de violence psychologique ne se dénoncent presque jamais. Les blessures de la violence psychologique sont des atteintes à la dignité, à l’auto-estime de la femme. La psychologue signale que les femicidios perdureront dans la mesure où la femme ne trouve pas d’appui autour d’elle ni dans les structures où elle s’adresse.
L’office du Procureur a enregistré 68 197 cas de violences contre les femmes, entre janvier et novembre 2013. La violence contre la femme est multifactorielle, mais la raison fondamentale est le modèle culturel, le fait que l’homme se croit supérieur et que sa compagne est sa propriété qui doit se soumettre à ses décisions. Le facteur économique est également souvent présent : la femme dépend de l’homme pour subsister. Et le manque d’appui de la famille et des lieux censés apporter un secours est un facteur important.
« Je crois que le pays a fait beaucoup d’efforts. Nous avons bien avancé pour créer une conscience sociale, il existe une préoccupation légitime de la part de l’Etat et une mobilisation sociale. Notre pays a signé plusieurs accords internationaux dans lesquels il s’engage à lutter contre les violences faites aux femmes ».
C’est en 1997 que, pour la première fois, la violence intrafamiliale et contre les femmes fut instituée comme délit, avec la promulgation de la Loi 24-97, qui modifie le Code Pénal. Et la Constitution, depuis sa modification de 2010, déclare la lutte contre ce fléau et engage l’action de l’Etat pour l’éradiquer. Le Sénat a approuvé cette année la proposition de « Loi spéciale intégrale pour la prévention, l’attention, la sanction et l’éradication de la violence contre les femmes », qui maintenant revient à la Chambre des Députés.
Ce projet de loi concerne tous les acteurs qui interviennent dans ce problème, non seulement pour la partie pénale, mais aussi dans l’Education, la Santé, la Culture. En outre, il prévoit un budget et établit des sanctions plus dures.
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