(Noticias Aliadas, 13/11/2015, traduction B. Fieux)
Durant le gouvernement de l’ex-président Fujimori, (1990-2000), le Programme de Contraception Chirurgicale Volontaire fut conçu avec l’objectif de contrôler la croissance du taux de population, en particulier dans les zones indigènes et de grande pauvreté.
En dix années, 346 219 femmes furent stérilisées. Selon la Defensoria del Pueblo, on estime à 270 000 le nombre de stérilisations forcées, mais seulement 2091 ont présenté une dénonciation au Ministère public.
Bien que les investigations se soient fermées puis réouvertes par quatre fois, la lutte des femmes victimes de stérilisation forcée a triomphé avec l’approbation du Décret Suprême 006-2015-JUS du Ministère de la Justice – dans lequel les Ministères de la Femme et des Populations Vulnérables , ainsi que le Ministère de la Santé – ont aussi des responsabilités.
Ce décret fut publié le 6 novembre, il déclarait d’intérêt national l’attention prioritaire aux victimes de stérilisation forcée durant le régime de Fujimori et la création d’un Registre des Victimes de cette pratique. Elles accèderaient en outre à des services de santé gratuits, ainsi qu’à la défense publique gratuite et à l’attention en santé mentale.
Rute Zuñiga, présidente de l’Association des Femmes Affectées par les Stérilisations Forcées de Cusco, signala que « cette mesure n’est que le début de tout ce que nous avons réclamé et de ce que nous méritons. Nous accorderons une attention spéciale au respect de cette loi, nous exigeons que l’on nous considère comme femmes organisées dans les commissions de mise en place ».
La représentante péruvienne devant le Parlement Andin, Hilaria Supa, qui a accompagné les femmes victimes de stérilisation forcée durant 18 ans, considère le décret comme « le début d’un acte de justice pour des milliers de femmes qui ont été stérilisées contre leur volonté ».
Quatre investigations.
C’est seulement en 1997 que l’on a eu connaissance des abus commis par le Programme de Contraception Chirurgicale Volontaire, à partir des premières dénonciations de Hilaria Supa et des femmes de Anta à Cusco.
En 1998, María Mestanza est soumise à une stérilisation chirurgicale sans son consentement et décède des suites de l’opération. Un an plus tard, des organisations de droits humains péruviennes et internationales portent plainte devant la Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) contre l’Etat péruvien pour le cas de María Mestanza..
En 2003, l’Etat péruvien reconnait avoir violé les droits de María à la vie, à l’intégrité personnelle et à l’égalité devant la loi et accepte une solution à l’amiable avec la famille de la victime, qui inclut une série de mesures de réparation, ainsi que des indemnisations économiques pour l’époux et les enfants, et l’engagement à réaliser « une investigation exhaustive des faits ».
Toujours dans le cadre de cet engagement, en 2004 la Fiscalía ouvrit une investigation qui fut fermée en 2009 sous le prétexte qu’on n’y trouvait pas d’indices criminels. En 2011, la CIDH considéra que ces faits constituaient des délits de lèse-humanité et par conséquent n’étaient pas susceptibles de prescription, la Fiscalía ordonna la réouverture de l’investigation pour le cas de María et en y ajoutant plus de 2000 femmes stérilisées contre leur volonté et qu’on venait d’identifier. Toutefois, l’investigation stagna jusqu’en 2012, lorsque la Primera Fiscalía Penal Supraprovincial de Lima émit une résolution qui réouvrit le cas.
Le 22 janvier 2014, le magistrat en charge de l’investigation déclara qu’il n’existait pas d’évidences qu’il s’agisse d’une politique ordonnée par Fujimori et mise en œuvre par ses ministres de la santé de l’époque, Eduardo Yong, Marino Costa et Alejandro Aguinaga. Malgré des centaines de témoignages, le magistrat ne trouva que des indices de délits commis par six médecins et clotura le cas en signalant que les stérilisations forcées ne constituent pas un crime de lèse humanité.
L’investigation fut réouverte pour la 4e fois en mai dernier par le Ministère Public, mais cette fois elle inclut Fujimori, qui depuis 2007 purge une peine de 25 ans de prison pour délits de lèse-humanité et corruption, et les ex-ministres Yong, Costa Bauer et Aguinaga. « Les éléments probatoires existent, pour dénoncer Fujimori et ce crime de lèse-humanité, ainsi que ceux qui furent ses ministres de la Santé et qui mirent en œuvre ce plan de stérilisation massive de femmes pauvres », déclara à la presse María Ysabel Cedano, directrice de Demus-Estudios pour la Défense des Droits de la Femme.
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