(REL-UITA, 06/07/2016 – Trad. B. Fieux)
Dans le département uruguayen de Canelones, la petite ville de Salinas, près de Río de la Plata, est bien représentative de ce qui se produit chaque jour dans les zones habitées de ce qu’on nomme là-bas « la république de soja du Mercosur ».
Un matin, les habitants de Salinas commencèrent soudain à ressentir des picotements dans la gorge et des maux de tête, en même temps qu’une odeur bizarre se répandait dans l’air. Par la suite ils eurent des problèmes respiratoires, des problèmes de vision et des éruptions cutanées.
Ils n’en furent pas surpris, car c’était la quatrième fois que cela se produisait depuis qu’en 2012, la région s’était couverte du caractéristique tapis vert de l’oléagineuse qui a rendu certains si riches tout en faisant tant de victimes par ailleurs.
Une fois les odeurs et les effets furent si intenses que les habitants durent évacuer le barrio, raconte Juan Chiarino, l’un des voisins affectés.
La semaine dernière ils virent un homme arroser avec un « mosquito », – appareil semblable au moustique par ses multiples pattes -, habituellement employé pour les fumigations, sur les 300 hectares où un estanciero (fermier) avait semé du soja. Ils trouvèrent des bidons vides, dispersés, qui avaient contenu du Roundup, l’agrotoxique à base de glyphosate fabriqué par la multinationale Monsanto et employé pour traiter le soja.
Dans la Lagune de Cisne, l’entreprise d’Etat des eaux de l’Uruguay, OSE, a une usine qui alimente en eau potable 170 000 personnes de tout le département de Canelones, le plus peuplé après celui de Montevideo et l’un des plus grands producteurs agricoles.
Les voisins ont vu les « peones » (ouvriers agricoles) de « l’estanciero » laver les « mosquitos » dans les eaux de la lagune, et ils avaient déjà remarqué les tonneaux de Roundup, qu’ils prirent en photos pour les envoyer au Ministre de la Santé Publique. Sans résultat.…
Depuis plus de trois ans que la région est productrice de soja, OSE vient enfin d’accepter de prélever des échantillons d’eau de la lagune pour détecter d’éventuelles traces de glyphosate.
Quant aux habitants victimes des fumigations, ils pourraient savoir s’ils ont des traces de ce produit qualifié de cancérigène par l’OMS en faisant effectuer des prises de sang.
Mais pour cela, il leur faudrait se rendre dans un Laboratoire capable de faire ces examens et d’en fournir par écrit les résultats. Or, le laboratoire le plus proche est à La Plata, en Argentine… « Un voisin de la lagune qui vit dans sa petite maison n’est pas en mesure de faire ces démarches », constate l’infirmière qui réside dans cette zone.
En octobre dernier, lors de la dernière fumigation, les voisins qui présentaient des symptômes similaires à ceux décrits plus haut, se dirigèrent vers une polyclinique des environs. Les médecins ne surent comment les traiter et leur prescrivirent un simple analgésique. De plus, les voisins ne savaient pas à qui ni comment présenter leurs dénonciations, et bien peu d’autorités étaient disposées à les conseiller…
Mabel Burguer, ex-directrice du Centre d’Information et de Conseil Toxicologique, sait que l’on peut enquêter, contrôler et sanctionner, mais elle n’a jamais vu cela se réaliser couramment. Elle sait aussi que ce sont les pesticides qui sont responsables des problèmes dont se plaignent les voisins, elle a vu des cas semblables dans d’autres départements du pays et elle est au courant des études réalisées en Argentine sur les terribles effets du glyphosate chez les humains…
Selon Juan Chiarino, lors des audiences les avocats des entreprises et des estancieros ont toujours recours aux mêmes arguments : que les interdictions de fumigations dans les environs des zones habitées sont inconstitutionnelles et qu’elles sont incompatibles avec « une demande du gouvernement, qui promeut le modèle productif des grandes plantations de soja »…
Nous avons déjà publié des articles sur le sujet… A lire (ou à relire) :
ARGENTINE. Le glyphosate, encore !
COLOMBIE : Paysans sans alternative à la culture de coca.
Mexique : La lutte pour la souveraineté alimentaire
PARAGUAY : Le gouvernement accélère l’autorisation de variétés transgéniques.
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