( J.P. Martins, Noticias Aliadas, 19/10/2016 – Trad. B. Fieux)
Ce fut une catastrophe pour la gauche brésilienne et spécialement pour le PT (Parti des Travailleurs). Ce fut le sentiment général des analystes et des secteurs progressistes après les élections municipales du 2 octobre, les premières après le processus qui conduisit Dilma Rousseff à la destitution et Michel Temer à al présidence de la République.
La destitution de Dilma fut confirmée le 31 août dernier par le Sénat Fédéral, par 61 votes contre 20. Dans les manifestations de rues des milliers de personnes, et dans la déclaration des leaders du PT et d’autres partis de gauche, la destitution fut qualifiée de « Coup d’Etat ».
Pour le PMDB ( Parti du Mouvement Démocratique Brésilien), le parti de Temer, et pour d’autres partis qui appuyèrent la destitution, le processus suivait le cadre constitutionnel. Mais l’opposition et une grande partie de la société civile se plaignirent du rôle des principaux médias durant le processus, leur position étant ouvertement anti-PT.
L’itinéraire de la destitution était aussi relaté par les nombreuses informations divulguées par la presse sur « l’Opération Lava Jato », qui enquête sur les cas de corruption apparemment commis par des membres des gouvernements du PT, ou liés à celui-ci, au cours des mandats présidentiels de Luiz Iñacio Lula da Silva (2002-2010) et de Dilma (2011-2016).
Le PT et certains secteurs de l’opinion publique se plaignirent que l’Opération Lava Jato avait été « sélective », sans manifester la même rigueur avec les hommes politiques du PMDB, le parti de la Sociale Démocratie brésilienne (PSDB) et d’autres partis alliés à Temer, qui fut le vice-président de Dilma durant ses deux mandats. Le PMDB, le PSDB et d’autres partis alliés du nouveau président vont du centre droit juqu’à l’extrême droite sur l’échiquier politique.
Mais l’avalanche de dénonciations qui amena la destitution de Dilma se répercuta beaucoup sur les municipales du 2 octobre qui dessinèrent un nouveau panorama politique du Brésil. Le plus grand perdant fut le PT de Lula avec Dilma.
En 2012, le PT gagnait 638 mairies, dont quatre capitales d’Etats : São Paulo, Rio Branco, Goiânia et João Pessoa. En 2016, la chute fut de 60% sur le nombre de mairies conquises en 4 ans.
Le PMDB de Temer, qui gagna 1021 mairies au premier tour en 2012, alla jusqu’à 1029 en 2016. Le PSDB fut le parti qui gagna le plus de voix, passant de 638 mairies en 2012, à 793 en 2016.
Avancées pour les femmes, les indigènes et le LGBT.
La plus forte déroute du PT fut sans doute celle de São Paulo, la plus grande ville du Brésil, dont la situation politique se répercute toujours sur le panorama politique brésilien. Le maire actuel, qui a mis en place des changements importants dans la ville, n’a obtenu que 16,7 % des votes.
Le gagnant fut le chef d’entreprise João Dória du PSDB. Cet homme d’affaires millionnaire obtint plus de 3 millions de votes. Mais les votes blancs, nuls et les abstentions totalisèrent 3 096 304 votes ! soit 40 % des 8 millions de votants de la capitale de l’Etat le plus riche et populeux du Brésil.
L’indice élevé des abstentions et des votes blancs ou nuls démontre le rejet par les votants du système politique actuel. Les analystes considèrent que ce résultat est la démonstration de rejet de ce système par les Brésiliens. « Il n’y a pas de renouveau dans les partis, dominés par la gérontocratie, et où les femmes et les jeunes n’ont pas de place ».
Sur les 5568 municipalités du Brésil, 638 femmes furent élues maires, soit 4% de moins qu’en 2012. 75 indigènes furent élus, conseillers ou maires.
Interrogations pour le futur.
« Après ces élections, une autocritique du PT apparait nécessaire », estiment les analystes. »Le projet pour le Brésil est devenu un projet de pouvoir; nous nous sommes trompés : gagner des élections est devenu plus important que promouvoir des changements par la mobilisation des mouvements sociaux, et nous payons la facture des erreurs commises », écrivait Frei Betto.
Après ces élections, l’expectative est liée à la réaction du PT face aux présidentielles de 2018. Le nom de Lula est toujours présent dans les enquêtes mais la grande défaite du PT pose un point d’interrogation, tant sur le futur du parti que sur celui de l’ex-président.
Autres questions : quel futur pour l’économie brésilienne et les droits des travailleurs? Le président Temer a passé des moments embarrassants lors de la dernière Assemblée Générale des Nations Unies, en septembre. Quand il fut sur le point de prononcer son discours, les diplomates de Bolivie, du Costa Rica, d’Equateur, de l’Uruguay et du Venezuela quittèrent la salle… Les élections du 2 octobre ont certes modifié le panorama politique du pays, mais n’ont pas défini son avenir.
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