(Article de Ignacio Ramonet, pubié par Rebelión – 03/01/2017 – Trad. B. Fieux)
Début 2016, tout se présentait sous un jour très compliqué pour les autorités de Caracas. Principalement pour trois raisons : 1) l’opposition néolibérale avait gagné les élections législatives de décembre 2015 et contrôlait l’Assemblée Nationale; 2) les prix du pétrole, principale ressource du Vénézuela, avaient chuté au niveau le plus bas des dernières décennies; 3) le président états-unien Barack Obama avait signé un ordre exécutif dans lequel il déclarait que le Venezuela représentait « une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis ».
C’est-à-dire que, dans trois domaines déterminants, – le politique, l’économique et le géopolitique -, la révolution bolivarienne semblait être sur la défensive. Alors que la contre-révolution, tant interne qu’externe, pensait avoir enfin le pouvoir à portée de main au Venezuela.
Et tout cela dans un contexte de guerre médiatique de longue durée contre Caracas, qui débuta avec l’arrivée au pouvoir de Chávez en 1999 et s’intensifia à partir d’avril 2013. En atteignant des niveaux de violence inédits après l’élection du Président Maduro.
Cette atmosphère de harcèlement médiatique agressif et permanent produit une insidieuse désinformation sur le Venezuela, qui confond même de nombreux amis de la révolution bolivarienne. En particulier parce que, dans cette ère de la « post-vérité », la pratique du mensonge, de la fraude intellectuelle, et de la tromperie la plus éhontée n’est sanctionnée par aucune conséquence négative, ni en terme de crédibilité, ni d’image. Tout est bon, tout sert dans cette « ère du relativisme post-factuel » et même les faits et les données les plus objectifs ne sont pas pris en considération. L’argument, si évident dans le cas du Venezuela, du complot, de la conjuration, de la conspiration, n’est pas accepté. D’avance, le nouveau discours médiatique dominant dénonce et ridiculise le « prétendu complotisme » comme l’argument inacceptable d’une « vieille histoire » qui n’est pas recevable…
Tout paraissait donc, début 2016, très difficile pour le président du Venezuela. Au point que l’opposant néolibéral souffreteux Henry Ramos Allup, passablement enivré par sa majorité parlementaire, se permit d’assurer, en janvier 2016, dans son premier discours comme président de l’Assemblée Nationale, qu’il « ne faudrait pas plus de six mois pour évincer Maduro du pouvoir ». Il s’inspirait sans doute du coup d’Etat institutionnel contre la présidente Dilma Rousseff au Brésil, et comptait sur une victoire dans un éventuel référendum révocatoire.
Les choses en étaient à ce point quand le président Maduro, dans une magistrale succession de coups d’échecs que personne n’avait vu venir, – mais parfaitement légaux selon la Constitution -, surprit tout le monde. Il renouvela, comme il en avait le droit, les membres du Tribunal Suprême de Justice ( TSJ), organe supérieur du pouvoir judiciaire, dont la Salle Constitutionnelle a le dernier mot en matière d’interprétation de la Constitution.
Gonflée d’orgueil, l’opposition commit alors deux erreurs majuscules :
1. Elle décida de passer outre les avertissements du TSJ et de siéger avec trois députés de l’Etat d’Amazones dont l’élection, en décembre 2015, avait été suspendue de manière préventive pour irrégularités. Devant cet affront, le TSJ décida évidemment que l’incorporation des trois députés « non élus régulièrement » retirait toute validité aux décisions de l’Assemblée Nationale.
Le TSJ déclara l’Assemblée en désobéissance et donc qu’ »il considérerait comme nulles toutes ses décisions ». De sorte que, du fait de ses propres erreurs, l’Assemblée, non seulement ne put continuer à légiférer ni à contrôler le gouvernement, mais comme le reconnaissent de prestigieux spécialistes en droit constitutionnel, elle s’annula elle-même, dilapida son pouvoir, au point de s’autodissoudre.
Ce fut la première grande victoire de Nicolas Maduro en 2016.
2. Dans son obsessionnel empressement à renverser le président, l’opposition anti-chaviste décida aussi d’ignorer les conditions légales (art. 72 de la Constitution), en termes d’étapes indispensables et de démarches exigées par les réglements juridiques, pour lancer un référendum révocatoire en 2016. Et là les opposants échouèrent également avec fracas.
Et cela constitua une autre grande victoire pour Nicolas Maduro.
Puis vint un moment, vers mars-avril 2016, où tout se compliqua énormément. Parce que, aux assauts habituels des forces hostiles à la révolution bolivarienne, vint s’ajouter une sécheresse impressionnante, la seconde d’une telle importance depuis 1950, et des chaleurs extrêmes causées par le phénomène El Niño. Au Venezuela, 70% de l’énergie est générée par l’hydroélectricité et la principale centrale hydroélectrique dépend du barrage du Guri. Les pluies se raréfiant, les niveaux de ce barrage diminuèrent jusqu’au minimum.
La contre-révolution tenta de profiter de ces circonstances pour multiplier les sabotages électriques, cherchant à créer le chaos énergétique, la colère sociale et les protestations. Le péril était grand, parce qu’au problème électrique s’ajoutait, avec la sécheresse persistante, le manque d’eau potable…
Mais le Président Maduro agit à nouveau avec célérité en adoptant des mesures drastiques: il décida de substituer aux millions d’ampoules incandescentes des ampoules à basse consommation. Il ordonna le remplacement des vieux climatiseurs par d’autres dont la technologie est plus économe. Il établit la demi-journée de travail dans l’administration publique, et décréta un plan spécial d’épargne nationale d’eau et de consommation électrique.
Grâce à ces mesures audacieuses, le Président parvint à éviter l’effondrement énergétique. Il gagna ainsi l’une de ses plus populaires victoires de l’année 2016.
(Voir * à la fin)
Autre problème important, et peut-être le plus grave : celui que dut affronter le gouvernement – conséquence en partie de la guerre économique contre la révolution bolivarienne – celui de l’approvisionnement alimentaire. Il faut rappeler qu’avant 1999, 65% des Vénézuéliens vivaient en situation de pauvreté et que seulement 35% pouvaient jouir d’une qualité de vie. Autrement dit, sur dix Vénézuéliens , trois seulement consommaient régulièrement de la viande, du café, du maïs, du lait, du sucre…Tandis que, durant les 17 dernières années, la consommation alimentaire (grâce à l’investissement social massif de la révolution) se diversifiait à 80 %.
Ce changement structurel explique pourquoi, rapidement, la production nationale d’aliments, bien plus importante que ce qu’on croit, s’avérait insuffisante.
Comme la demande augmentait massivement, la spéculation augmenta aussi. Et devant une offre structurellement limitée, les prix montèrent de façon vertigineuse. Et le phénomène du marché noir, ou « bachaqueo » se répandit. Bien des personnes achetaient les produits subventionnés par le gouvernement à des prix inférieurs à ceux du marché pour les revendre à des prix supérieurs à ceux du marché. Ou bien ils les « exportaient » massivement vers les pays voisins (Colombie, Brésil) où ils les revendaient pour le double ou le triple de leur prix subventionné. De sorte que le Venezuela se « saignait » de ses dollars pour alimenter des « vampires » qui arrachaient les produits de première nécessité aux plus pauvres, en même temps qu’ils s’enrichissaient de manière exceptionnelle. Une telle immoralité ne pouvait continuer.
Une fois de plus, le Président Maduro décida d’agir fermement. Premièrement, il changea la philosophie de l’aide sociale. Et corrigea une erreur majuscule qui se commettait au Venezuela depuis des lustres. Il décida que l’Etat, au lieu de subventionner les produits, devait subventionner les personnes. Pour que seuls les pauvres, ceux qui réellement ont des besoins, aient accès aux produits subventionnés par le Gouvernement. Pour tous les autres, le produit se vend à son juste prix établi par le marché. Ce qui évitait la spéculation et le « bachaqueo ».
Et, seconde mesure décisive, le Président annonça qu’à partir de maintenant, le Gouvernement mettrait tout ses soins à modifier le caractère économique du pays pour passer d’un « modèle rentiste » à un « modèle productif ». A cet effet, le Président définit « quinze moteurs » (voir ** à la fin) pour ranimer l’activité économique, tant du secteur privé que du secteur public et de l’économie communale.
Ces deux mesures essentielles convergent dans une création originale imaginée par le Président Maduro : les CLAP (Comités locaux d’Approvisionnement et de Production), qui constituent une nouvelle forme d’organisation populaire. Foyer par foyer, les représentants des communautés organisées distribuent, à un prix régulier, des sacs complets d’aliments. Beaucoup de ces aliments proviennent d’une nouvelle production nationale. Les CLAP devraient ravitailler, dans les premiers mois de 2017, quatre millions de familles pauvres, garantissant l’alimentation du peuple. Et signifiant ainsi une nouvelle grande victoire pour le Président Maduro.
Autre victoire, et non des moindres, en cette année 2016 si difficile, l’investissement social a atteint 71,4% du budget du pays. C’est un record mondial. Aucun autre Etat de la planète ne consacre presque les trois quarts de son budget à l’investissement social.
En matière de santé, par exemple, le nombre d’établissements hospitaliers a été multiplié par 3,5 depuis 1999. Et l’investissement pour un nouveau modèle humain de santé publique a été multiplié par dix.
La mission Barrio Adentro, dont l’objectif est de s’occuper des malades dans les zones urbaines les plus pauvres du pays,a réalisé 800 millions de consultations et sauvé la vie de 1 400 000 personnes. Les facultés de médecine ont formé 27 000 nouveaux médecins. Et trente mille autres doivent obtenir leur diplôme en 2017. Huit Etats ont atteint une couverture de Barrio Adentro de 100% en 2016.
Autre victoire sociale fondamentale, non mentionnée par les médias dominants, c’est l’obtention d’une pension de retraite par les adultes : avant la Révolution, à peine 19% des retraités recevaient une pension, les autres subsistaient souvent dans la misère ou à la charge de leur famille. En cette annnée 2016, le pourcentage de personnes retraitées qui reçoivent une pension (même s’ils n’avaient pas pu cotiser à la sécurité sociale durant leur vie active) a atteint 90%. Un record en Amérique du Sud.
Autre victoire spectaculaire – et également occultée par les grands médias – c’est celle obtenue par la Mission Vivienda chargée de construire des logements sociaux, à prix fixé, pour les familles vénézuéliennes pauvres.
En 2016, cette Mission a pu attribuer 359 000 logements (à titre de comparaison, un pays développé comme la France a construit en 2015 à peine 109 000 logements sociaux).
Depuis le début de son mandat, en 2013, le Président Maduro a remis près de un million et demi de logements à des familles modestes; un autre record mondial passé sous silence par tous les médias hostiles à la Révolution Bolivarienne. Et que même des amis oublient parfois de mentionner.
Rappelons pour terminer quelques-unes des brillantes victoires remportées dans le domaine géopolitique. Par exemple, avoir empêché que l’OEA (Organisation des Etats Américains ), dominée par Washington, condamne Caracas comme le prétendait le Secrétaire Général de cette organisation, Luis Almagro.
Enfin, dans ce domaine, la principale victoire du Président Maduro, qui effectua plusieurs tournées internationales dans cet objectif, fut le succès inédit d’un accord entre pays OPEP et non-OPEP pour la réduction concertée des exportations de pétrole.
Cet accord historique, signé en novembre 2016, freina immédiatement la dégradation des prix des hydrocarbures qui s’effondraient depuis le milieu de 2014, quand ils dépassaient les cent dollars par baril.
Grâce à cette victoire capitale, les prix du pétrole, – qui étaient à 24 dollars en janvier -, surpassaient les 45 dollars fin décembre 2016.
Ainsi, en cette année plus dure et plus longue, durant laquelle nombreux furent ceux qui pariaient sur un faux pas de sa part, le Président Maduro, déjouant tous les écueils, tous les pièges et toutes les difficultés, a démontré sa taille exceptionnelle d’homme d’Etat. Et de leader indestructible de la Révolution Bolivarienne.
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* Avec l’arrivée progressive des pluies à partir de fin mai, le niveau du barrage du Guri a monté, et le président Maduro put enfin infomer qu’à partir du 4 juillet le rationnement électrique serait suspendu.
** Les 15 moteurs sont : 1. L’agroalimentaire ; 2. Pharmaceutique ; 3. Industriel ; 4. Exportation ; 5. Economie Communale, sociale et socialiste ; 6. Hydrocarbures ; 7. Pétrochimie ; 8. Mines ; 9. Tourisme national et international ; 10. Construction ; 11. Forêts ; 12. Militaire industriel ; 13. Télécommunication et informatique ; 14. Banque publique et privée ; 15. Industrie basique.
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