(Evelyn Patricia Martínez, dans Rebelión, 06/04/17 – Trad. B. Fieux)
« Moi j’ai déjà voté, parce que je ne veux pas voir détruire ces collines ».
Le 29 mars 2017 est un jour qui est entré dans l’histoire de notre pays. Mais je parle de la vraie histoire, l’histoire que mettent en marche les vaincus de toujours, les oubliés, les va-nu-pieds, les déguenillés, ceux d’en bas. C’est notre histoire. Ce jour-là, fruit des années de lutte populaire organisée, fut approuvée une loi qui interdit définitivement l’exploitation minière dans notre pays, le premier pays d’Amérique Latine à l’interdire.
Ce fait historique signifie au moins trois choses : premièrement, qu’il est possible d’arrêter le projet démesuré et inhumain d’accumulation du capital. Deuxièmement, il signifie que la vie s’est mise au centre, la vie humaine que ce peuple s’obstine à vivre, et qui nous fait rejeter la logique extractiviste. Et en troisième lieu, il représente la force du pouvoir qui se construit depuis la base, la dignité insurgée qui germe et se répand, quand le pauvre croit dans le pauvre.
La menace latente des entreprises transnationales, avec sa logique d’élargir ses marchés pour l’accumulation du capital, est en train d’impulser le modèle extractiviste dans le monde entier, ce qui détériore la biodiversité au niveau mondial et provoque des conflits environnementaux, des expulsions des communautés de leurs territoires, et les assassinats de ceux qui s’opposent, en guise d’intimidation. Au Salvador nous avons dit que nous ne voulons pas de mines, nous ne voulons pas d’extractivisme, parce que le développement ce n’est pas cela, ce n’est pas tuer la nature, c’est en prendre soin. Nous optons pour la vie et non pour la mort du capital.
Un peuple petit, mais avec la dignité immense des gens humbles, s’est converti en un exemple de dignité rebelle et d’amour de la vie, amour des collines, des montagnes, des ríos, des oiseaux, des fleurs. Il est nécessaire, aussi, que dans toute l’Amérique Centrale et dans le monde entier on interdise l’exploitation des biens communs de la nature.
Et le plus important a été un triomphe de plus de dix ans de lutte des communautés organisées du nord du pays, de Cabañas, Chalatenango, un triomphe des humbles. De 2014 à 2017, 5 consultations populaires ont été réalisées dans 5 municipios (Arcatao, San José de las Flores, San Isidro Labrador, Nueva Trinidad et Cinquera) qui allaient être affectées directement, et dans toutes c’est le NON à la mine qui l’a emporté. C’est ainsi que s’est manifestée la force de ce que disent les zapatistes du Mexique : « le peuple commande et le gouvernement obéit », car c’est la véritable politique, la démocratie réelle. Ce fut surtout le fruit du sang versé, le sang de six compagnons qui furent assassinés pour s’être opposés à la mine. Mais leur sang est devenu semence.
En plus d’affronter le monstre, tout en résistant, il faut créer, créer une autre réalité. Parce que c’est ainsi qu’on arrête le capitalisme, en semant la vie, en semant la joie rebelle et insoumise. En semant une autre politique, une autre économie, un autre mode de relations avec la nature, en semant une autre vie possible. C’est alors que l’on respire la lutte… Que l’on continue à la respirer pendant longtemps!
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