Publié dans Venezuela infos par Marco Teruggi, 25 juin 2017
150 familles paysannes de la municipalité d’Obispo Ramos de Lora, dans l’état de Mérida, ont récupéré 560 hectares de terres du grand propriétaire Ivan Guillermo Rondon Ruiz. Leur action est doublement motivée : d’une part, l’improductivité de deux de ses propriétés, le Trebol et le Cristo, déjà signalées, il y a deux ans, à l’Institut National des Terres (Inti) ; et, d’autre part, le financement par Rondon des violences de la droite commises sur la municipalité en mai dernier.
Cette mesure est aussi une réponse à l’attaque des grands propriétaires contre les paysans, et à leur tentative de revanche économique et politique coordonnée dans le cadre de la tentative en cours de Coup d’État. Rondon, avec d’autres grands propriétaires, a financé et fourni en aliments et armes ceux qui, le 16 mai, ont attaqué la Mairie et une cantine populaire ainsi que ceux qui ont barré la route durant plusieurs jours.
« Nous allons reprendre les terres que Chavez leur a données », « lorsque le gouvernement Maduro tombera nous allons leur ôter ces terres » affirment publiquement les grands propriétaires.
L’appui de ces derniers a été constant dans les actions violentes qui ont commencé depuis le début avril. Le même schéma a été appliqué dans l’État de Táchira et de Barinas – à Socopo, ils ont même livré des génisses pour alimenter les troupes de choc et les monteurs de barrages – mettant ainsi en évidence la trame politique et économique de ceux qui veulent reprendre le pouvoir au Venezuela. Leur composition est une radiographie de classe : grands propriétaires, chefs d’entreprise puissants, partis déplacés du pouvoir; un bloc qui se trouve, à son tour, lié et subordonné au réseau international qui finance, met au point et opère depuis les États-Unis. C’est dans le financement de la violence que l’on voit les intérêts réels qui sont en jeu dans le conflit.
Ce n’est pas la première action menée contre un grand propriétaire impliqué dans l’appui aux destructions, les blocages de route et les attaques d’institutions ou des forces de sécurité de l’État. Il y a peu, des terres ont été récupérées sur la municipalité de Pedraza, Barinas, terres d’un grand propriétaire qui avait mis à disposition une excavatrice utilisée lors des journées de terreur à Socopo,
Dans les deux cas, il s’agit d’actions impulsées par des conseils paysans, et, dans le cas de Mérida, ceux-ci ont été appuyés par le Courant Révolutionnaire Bolivar et Zamora. Il s’agit d’une réponse face à l’avancée qui se déploie sur les territoires où, depuis le début de ce cycle de violence ouverte, la droite a réalisé, grâce à ses groupes de choc et à ses forces paramilitaires, des actions telles que des sièges, des blocages de route, des persécutions, des dégâts sur des institutions, domiciles de dirigeants- comme celui du maire de la municipalité d’Obispo Ramos de Loba- des institutions militaires et policières.
C’est également une réponse au scénario de stagnation de la réforme agraire avec des signes de régression en zone rurale. La récupération et la régularisation de terres s’est vu freinée au point de s’immobiliser : dans certains états, comme à Barinas, on a même vu des cas de paysans re-dépossédés de leurs terres, au début de cette année.
C’est dans ce tableau complexe que se déroule l’action de Mérida ; il est urgent que l’Institut National des Terres (INTI) accompagne les paysans. Pour le moment, la délégation régionale de cette institution a fait le contraire de ce qu’on attendait : elle s’est présentée sur les terres récupérées aux côtés d’un grand propriétaire, en lui montrant son appui. Une situation semblable a été vécue à Barinas, où cette entité régionale a été dénoncée comme partie prenante dans les expulsions.
Ces actions paysannes ne doivent pas être ignorées pas plus que l’on doit leur attribuer une dimension plus importante que celle qui est la leur. Il s’agit là d’une tentative de retrouver les niveaux d’initiative populaire d’avant l’offensive d’une droite qui cherche à renverser le gouvernement et à donner libre cours à un revanchisme social dont on voit les premiers échantillons. Il est fondamental que les institutions se placent du côté des paysans pour leur permettre de ne pas faire marche arrière et, en même temps, ôter du pouvoir à ceux qui financent la violence.
Dans ces mesures, il y a un acte de résistance, une avancée, et une justice : 5000 plants de bananes ont déjà été semés. Les terres à ceux qui les travaillent.
Laisser un commentaire