(Texte de Enrique Gómez, de l’organisation ERRAC, 13/10/2017 – Trad. B. Fieux)
Le mois de septembre mexicain, traditionnellement centré sur les fêtes de la patrie, a été en cette année 2017 le temps des calamités. Des milliers de Mexicains ont vu leur maison et les rues inondées par les ouragans et les tourmentes tropicales, depuis le mois d’août. Les rues – construites avec des fonds frauduleux – sont détruites par endroits. Les matériaux de construction, ramollis, ont cédé avec le séisme du 7 septembre qui a ébranlé surtout le Chiapas et Oaxaca, au sud du Mexique.
L’attention que nécessitaient ces Etats n’a pas pu être assurée intégralement, car un nouveau séisme le 19 du même mois, a eu son épicentre à moins de 100 km de la ville de Mexico, et s’abattant tout au long d’une ligne qui la traverse du nord-est au sud-est. Maintenant elle n’est plus qu’une série d’édifices en ruines, gardés nuit et jour par ses habitants, depuis leurs campements en planches et dans la rue.
La Capitale de la République a reçu de l’aide de la Police Fédérale, des Pompiers, de l’Armée et de la Marine, outre 24 brigades internationalistes. Mais l’aide immédiate et spontanée, persévérante et généreuse des citoyens est arrivée, a été présente sur tous les sites dévastés pour sauver les victimes; remuant pierre après pierre, les plaçant hors des montagnes de décombres, à travers les longues colonnes humaines.
Le volontariat civil organisa un réseau de centres de fournitures d’aliments et de médicaments pour les victimes qui avaient réussi à s’échapper des éboulements. La télévision s’est centrée à répétition sur des images de la capitale. C’est moins coûteux de venir à ces secteurs et ça rapporte plus d’envoyer les reporters là-bas, dans des lieux proches de la majorité des téléspectateurs.
Les zones paysannes, dispersées et anéanties pour des siècles, reçoivent peu d’attention et après des semaines, n’apparaissent en scène que lorsqu’un haut fonctionnaire les visite, en leur promettant des appuis qui tarderont à arriver ou qui n’arriveront jamais. C’est ce qui se produit dans les zones rurales de l’Isthme de Oaxaca, de Chiapas Morelos et de Puebla.
Personne ne sait avec précision s’il existe un plan pour ces lieux. Dans les localités rurales de ce dernier Etat, l’aide fut apportée par la société civile, surtout par les jeunes de l’Université Autonome de Puebla et par l’université Ibéroaméricaine (Jésuites).
Picalaya, épicentre de la seconde secousse, est restée aux mains de sa population, des volontaires et d’une poignée de soldats, sans communication téléphonique. Ayoxuxtla de Zapata aussi fut dévastée par le tremblement de terre: presque 90% des habitations se sont écroulées. Elle n’a pas reçu d’aide.
Quelques aides que reçoivent les autorités gouvernementales mineures sont stockées pour être réparties sur les journées électorales de 2018. Un professionnel mixtèque de Puebla s’adresse aux reporters : « Ce que vous voyez ici, c’est le théâtre politique pour l’année prochaine. Par l’ignorance, la nécessité et la pauvreté dans lesquelles nous vivons, nous tombons dans chaque bataille électorale : nous nous vendons pour quelques pesos ». Et un paysan ajoute : « Oui, ils nous donnent leur appui en échange de notre vote! »
Dans les hameaux de pêcheurs de l’Isthme de Oaxaca, l’aide à ceux qui contemplent leurs habitations détruites dans le sable ou englouties dans les eaux saumâtres du Golfe de Tehuantepec, se complique encore davantage: Santa Maria del Mar, située sur un banc de sable, ne peut se rendre à son chef-lieu municipal en raison d’une brouille pour des limites agricoles qui dure depuis huit ans. Aucune autorité n’a été capable de les réconcilier.
La Croix Rouge, la Marine et l’Armée ont transporté des tonnes d’aliments, de matériel de soins, de bâches et de tentes de campagne. Les gens reçoivent de l’aide, mais ne savent pas ce qui arrivera quand cette aide sera finie. On a commencé à répartir des quantités d’argent, avec délais. Les sinistrés paieront des intérêts seulement dans certains cas… Mais s’ils ont encore des dettes antérieures et que leurs centres de travail soient endommagés, d’où tireront-ils l’argent pour payer ?
Les chefs d’entreprises avec les gouvernants de la fédération et des Etats sont en train de constituer un fond pour la reconstruction.Ils le donnent par des cartes électroniques… Les paysans, en général, n’utilisent pas ces moyens et pour payer, ils devront dépenser pour se rendre à la ville où se trouvent les banques.
La question la plus inquiétante est : A qui seront confiés les travaux ? Aux fonctionnaires qui dépensent des millions en frais de voyages, d’hôtels et de repas, accompagnés de leurs « assesseurs » nombreux ? Aux mêmes qui depuis quatre ans, depuis l’ouragan Manuel, n’ont pas fini de reconstruire?
Le même gouvernement fera la liste des entreprises de construction autorisées pour cette urgence… Ce sont celles qui se sont enrichies en employant des matériaux de qualité médiocre, avec des prix majorés payés par des autorités corrompues.
La tâche humanitaire est immense. Dans le seul Etat d’Oaxaca, ont été déclarés « en désastre » : 283 municipios, sur les 570 qui existent. Les sinistrés atteignent 800 000 personnes dans 40 000 maisons. Et plus de 300 écoles sont endommagées. Parmi les municipios ayant les pires destructions, dans cet Etat et au Chiapas, 9 ont une population indigène et en situation de pauvreté pour au moins 96% de leurs habitants…
Voilà la situation des zones endommagées :des citoyens généreux, survivants d’une crise économique sans fin qui affecte 50% des habitants, en état de pauvreté croissante. Assistés par des programmes changeants, insuffisants et compliqués par des normes inadéquates. Ils co-habitent avec une minorité de potentats favorisés par des œuvres pharaoniques ou bien ils émigrent entre les menaces de déportation et la mort, vers les terres nord-américaines injustes et humiliantes.
Les dégâts causés par les ouragans et les séisme montreront publiquement la nation ébranlée par l’inégale distribution de la richesse répartie avantageusement par l’élite politique et les chefs d’entreprise, y compris transnationale.
Les réactions que l’on espère : les votes-sanctions pour l’élection de 2018 et la possible réaction d’une jeunesse qui transcende la mercantilisme et la manipulation pour préciser un horizon envisageable, différent et engageant dans lequel elle décidera et s’appropriera les meilleurs investissements en matière de projets et de programmes de rénovation à moyen et long terme.
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