La vie pleine d’incertitudes des immigrés aux Etats-Unis.

(Armando Chávez, dans Noticias Aliadas – Trad. B. Fieux)

Le Gouvernement nord-américain persécute les migrants bien que beaucoup d’entre eux soient arrivés dans le pays étant enfants et ne parlent pas la langue de leur pays d’origine, avec lequel ils n’ont même pas de liens.

Les immigrés des Etats-Unis qui n’ont pas de résidence légale ou qui ont été admis dans des conditions temporaires sentent que leur vie s’est beaucoup compliquée en 2017 à cause de la volonté de l’actuelle administration républicaine d’expulser des milliers de latino-américains, bien qu’ils soient insérés avec succès dans l’économie locale et qu’ils n’aient pas d’antécédents pénaux.

Même si durant l’administration de l’ex-président Obama (2009-2017) les déportations avaient atteint des chiffres records, l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier, après une campagne électorale de mépris et d’insultes à l’égard des migrants, a avivé les stéréotypes négatifs, la haine raciale et les initiatives pour expulser les latino-américains.

Les décisions de l’administration s’annoncent au milieu d’un scénario social crispé et à coups de « tweets » du gouvernant, tandis qu’on entend des critiques de ceux qui considèrent que ce sont des gestes populistes pour contenter un électorat qui rejette l’avancée des minorités, protège l’hégémonie strictement anglo-saxonne, et accuse les migrants d’abuser des programmes d’aide sociale, de ne pas payer d’impôts, de ne pas s’intégrer sur le plan linguistique, voire de délinquance.

Rares sont les jours où les médias ne rapportent pas d’incidents révélateurs des circonstances angoissantes que vivent les migrants en situation irrégulière : certains ont opté pour ne pas se rendre aux rendez-vous médicaux de crainte d’être retenus dans les cliniques ou les hôpitaux, beaucoup évitent de provoquer des risques dans leur communauté, certains ont cherché refuge dans les temples religieux et plusieurs se sont même suicidés après avoir été expulsés vers le Mexique.

Bien loin sont les promesses de Trump durant la campagne électorale, selon laquelle ses initiatives sur la migration se limiteraient à expulser les délinquants pour améliorer la sécurité intérieure…

Le gouvernement états-unien a annoncé en novembre des mesures affectant 5300 Nicaraguayens et 60 000 Haïtiens qui disposent du Statut de Protection Temporaire (TPS), programme créé pour offrir des permis exceptionnels aux citoyens des pays atteints par des conflits ou des désastres naturels. Les autorités leur ont indiqué les dates pour qu’ils régularisent leur situation ou qu’ils quittent les Etats Unis. Les Nicaraguayens ont jusqu’à janvier 2019 et les Haïtiens avaient jusqu’à juillet 2017.

Le quotidien The Washington Post a révélé début novembre que le chef de cabinet de Trump, John Kelly, avait appelé Elaine Duke, responsable intérimaire du Département de Sécurité Nationale, pour qu’elle mette fin au TPS des Honduriens, en considérant qu’ils « empêchent la stratégie globale » du gouvernement. L’appel de Kelly a été perçu comme une intromission de la Maison Blanche dans des décisions qui devraient n’être basées que sur les lois.

Sur la corde raide…
Quelque 57 000 Honduriens et 200 000 Salvadoriens avaient reçu la protection du TPS après le passage de l’ouragan Mitch par l’Amérique Centrale en 1998. Beaucoup craignent que ce bénéfice soit éliminé dans les prochains mois. L’année prochaine, le Département de Sécurité Nationale serait dirigé par Kirstjen Nielsen, proche de l’entourage de Trump et nommée depuis peu à cette charge.

La décision de retirer la protection aux Haïtiens a été remise en question parce qu’Haïti a subi l’impact de deux terribles ouragans en septembre dernier. Haïtiens et Centroaméricains ont déjà réalisé des manifestations dans les environs de la Maison Blanche.

« Nous avons apporté nos efforts à ce pays, c’est ici que nous avons construit nos familles, nous avons des enfants qui ne parlent qu’anglais, et maintenant nous devrions retourner dans un pays que nous n’avons pas revu depuis des années », affirmait une Nicaraguayenne à Noticias Aliadas.

L’une des réclamations migratoires qui retient l’attention concerne le programme DACA (Deferred Action for Children Arrivals), conçu en 2012 par le gouvernement d’Obama pour permettre que les 800 000 adultes migrants irréguliers étudient, travaillent et servent dans l’armée. Connus sous le nom de « dreamers » (rêveurs), ces personnes sont arrivées aux Etats-Unis avant l’âge de 16 ans et certains ne parlent qu’anglais et n’ont plus de lien avec leur pays d’origine. Trump a mis fin au DACA et laissé au Congrès la recherche d’une solution.

Selon la presse, environ 22 000 de ces « dreamers » n’ont pas pu renouveler leur statut et courraient le risque de perdre leurs emplois. Cette situation fut signalée à l’administration Trump par des personnalités de la sécurité nationale et de la diplomatie états-unienne, qui affirment que les « dreamers » sont une main d’œuvre utile et que leur déportation coûterait 7,5 milliards de dollars.

Des bénéficiaires du DACA sont accourus en masse à la recherche de soutien auprès des bureaux du Congrès états-unien à Washington et des législateurs de leurs Etats respectifs. En outre, ils ont exprimé l’inquiétude que leurs données personnelles et leur localisation, qu’ils avaient fournies de bonne foi pour recourir au DACA, soient utilisés par les autorités pour exécuter des détentions.

Les « dreamers » sont devenus une référence obligée sur les politiques de l’administration républicaine parce qu’il s’agit d’un groupe social qui a reçu une formation éducative aux Etats Unis et a prouvé sa capacité d’être constructifs dans divers secteurs. Beaucoup d’entre eux allèguent qu’ils ont rempli les conditions du programme et se trouvent participants à des cours universitaires. Mais les délais pour trouver une solution se réduisent : le DACA deviendrait caduc le 5 mars 2018.

Existence en suspens.
Certains immigrés ont choisi de se replier dans des barrios où ils passent inaperçus et évitent les rues où ils peuvent tomber sur des patrouilles. De même, ils limitent leur présence dans les réseaux sociaux et évitent de conduire dans les villes, cédant le volant à des membres de leur famille qui sont en condition de répondre pour une éventuelle infraction de transit.

« Sortir dans la rue est toujours une incertitude, je ne sais jamais si je pourrai revenir à la maison », confie à Noticias Aliadas Juan, d’origine mexicaine, qui jusqu’ici pouvait renouveler son visa de touriste, mais finalement s’est retrouvé sans papiers pour résider de manière légale dans le pays ; il confie qu’il évite tout commentaire public sur son statut de crainte d’être dénoncé. Il assure que ses travaux sont toujours provisoires et qu’il a été exploité à cause de sa fragile situation migratoire.

Dans ce contexte, les consulats du Mexique ont augmenté leurs ressources pour fournir des conseils aux migrants concernés. Les médias informatifs de langue espagnole, comme les chaines de télévision Telemundo et Univision, incluent dans leurs infos des alertes sur les dispositions migratoires adverses pour les immigrés. De même, dans les programmes télévisés à forte audience, des avocats et des experts expliquent comment agir en cas de visite imprévue des autorités migratoires aux domiciles.

Certaines familles ont préparé des pouvoirs légaux pour protéger propriétés et logements, et préciser que les enfants mineurs peuvent être accueillis par des parents si le père sans résidence légale a un contretemps.

« Ma crainte quotidienne est de ne pas pouvoir aller chercher mes enfants à l’école au cas où je serais détenu », confie Juan. « J’ai vécu durant 20 ans dans ce pays, mais jamais je ne me suis senti autant rejeté. Je me sens de ce pays et je ne sais pas où aller »

Malgré les tensions, les migrants en situation irrégulière continuent d’agir à la vue de tous. Comme toujours, ils font des travaux difficiles, sous-évalués et mal payés, mais maintenant ils sont exposés à une xénophobie plus forte et à des risques imprévisibles. Souvent, ils craignent même de parler en espagnol pour ne pas être trahis par leur langue maternelle…

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