(De Milo Milfort, dans Noticias Aliadas de fin mai 2017 – Trad. B. Fieux)
« De plus en plus de jeunes veulent quitter le pays à cause de la crise économique qui persiste »…
« Je suis parti de Haïti à cause du manque d’emplois. J’ai étudié les sciences vétérinaires mais je ne pouvais trouver aucun travail. On m’a obligé de renoncer à ma foi chrétienne pour aller vendre des billets de loterie et pouvoir ainsi faire vivre ma famille. Et malgré tout, on ne parvenait pas à avoir le nécessaire », raconte Pierre Faniel à Noticias Aliadas. Il a 42 ans, est né à Fort Liberté, au nord-est de Haïti, une des zones les plus pauvres du pays. Il vit actuellement au Chili, le nouvel El Dorado de la migration haïtienne.
Comme Pierre, de plus en plus de jeunes veulent s’en aller d’Haïti à tout prix car la situation économique ne cesse d’empirer dans ce pays des Caraïbes.
« Haïti nous décourage. Je ne veux plus rester dans un pays sans hôpitaux et sans emplois, » dit Sandro Germain, 25 ans. En Haïti, la pauvreté et la misère se sont accentuées. Le chômage, la fréquente dévaluation de la « gourde » (monnaie locale) par rapport au dollar états-unien, l’inflation galopante, l’augmentation du coût de la vie, la diminution du pouvoir d’achat des foyers, l’épidémie de choléra et l’insécurité alimentaire se sont installés dans ce pays épuisé durant ces 7 dernières années par deux catastrophes : le tragique séisme de 2010 qui laissa un solde de 230 000 morts et 1,3 millions de sinistrés, et le passage de l’ouragan dévastateur Matthew en octobre 2016 qui tua 547 personnes et en affecta 2,4 millions d’autres.
La recherche de bien-être dans d’autres pays de la région, principalement en Amérique du Sud, est devenue une tendance assez marquée, voire préoccupante aux yeux des organismes défenseurs des droits humains.
« Si la migration haïtienne vers la République dominicaine avait commencé par les paysans /agriculteurs, celle en direction du Chili commence par des jeunes et des professionnels, des talents qui malheureusement quittent le pays parce qu’ils n’ont pas d’autre choix », a déclaré à Noticias Aliadas Geralda, responsable de « Communication du Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés » (GARR), plateforme d’organisations haïtiennes qui travaillent sur la migration.
« A cause des conditions socio-économiques dans le pays, la population n’a pas les moyens de subsister. Au problème du manque d’emploi se sont ajoutées les catastrophes naturelles. La seule manière de s’en sortir est de quitter le pays » explique Geralda, qui mentionne également une autre cause : la déception par rapport à la gouvernance du pays et au non respect des promesses des autorités élues. « On sent qu’il y a une sorte de déception collective « , soutient-elle. « Les responsables devraient se pencher sans attendre sur ce sujet. La situation est préoccupante : c’est une migration que l’Etat devrait contrôler pour éviter que cela ne génère d’autres problèmes comme la traite de personnes ».
Le Brésil cesse d’être attractif.
Depuis 2016, le Chili se convertit à pas lents mais sûrs en seconde destination de la migration haïtienne, après la République Dominicaine. En Amérique du Sud il a déjà détrôné le Brésil où vit une importante communauté haïtienne qui, durant les dernières années, a tenté d’entrer illégalement aux Etats-Unis par un long et périlleux voyage clandestin.
Même si quelques-uns ont pu entrer sur le territoire états-unien, d’autres ont dû renoncer. Selon des témoignages de migrants haïtiens recueillis par la presse, quand les gens ne meurent pas de faim ou attaqués par des animaux sauvages, ils sont violés dans la forêt amazonienne ou restent échoués à la frontière mexicaine avec les Etats-Unis. En janvier de cette année, plus de 7000 migrants haïtiens sont restés bloqués à cette frontière.
Ce long et onéreux périple est effectué par des mères enceintes, des enfants et des adolescents qui veulent fuir la crise économique qui frappe le Brésil. Ils traversent le Pérou, l’Equateur, la Colombie, le Panama, le Nicaragua, le Guatemala et le Mexique durant des semaines à pied à travers les forêts et en franchissant les ríos, avec l’aide de réseaux de trafiquants de migrants qui opèrent dans tout le continent.
Les Haïtiens ne sont pas les seuls dans cette longue traversée. Il y a d’habitude des migrants dominicains, africains, cubains et d’autres voyageurs. Après cet épuisant et périlleux trajet, certains de ceux qui ont réussi à pénétrer aux Etats-Unis sont capturés et déportés en Haïti par l’autorité migratoire états-unienne. C’est pourquoi ceux qui craignent de subir ce sort se contentent de rester à Tijuana, ville frontière entre Mexique et Etats-Unis.
Mais le Chili est dans toutes les conversations. Où que l’on aille en Haïti, les jeunes l’évoquent comme leur prochaine destination. Tant sur les réseaux sociaux les plus utilisés par les Haïtiens, comme Facebook, que dans les médias traditionnels, on mentionne constamment ce phénomène social.
L’ambassadeur chilien en Haïti, Patricio Utreras, a indiqué au quotidien haïtien Le Nouvelliste que les citoyens haïtiens n’ont pas besoin de visa pour entrer au Chili. Il leur suffit d’une pièce d’identité, du billet d’avion et d’argent en fonction de la durée de leur séjour. « Les Haïtiens sont très appréciés au Chili », a-t-il déclaré au Nouvelliste.
Mais il faut d’énormes efforts pour réunir cet argent. Certaines personnes contractent des dettes énormes, d’autres liquident tous leurs biens pour parvenir à ce qu’ils désignent comme « l’ultime sacrifice », et d’autres encore recourent à des proches qui vivent aux Etats-Unis. Mais le voyage peut coûter cher si l’on a recours à des « facilitateurs » qui sont des intermédiaires, abusant souvent du fait que les voyageurs haïtiens ignorent la réalité et le risque d’escroquerie…
Les économistes haïtiens expliquent que la nombreuse communauté haïtienne qui vit au Chili et la croissance économique de ce pays constituent les principaux motifs qui leur font choisir ce pays comme destination.
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