(de Eduardo Paz Rada, sociologue bolivien, professeur à la UMSA, principale Université Publique de Bolivie – dans Rebelión du 17/03/2018 – Trad. B.Fieux )
Après la tenue d’un « acto » au fort symbolisme patriotique, le 10 mars dernier, avec le déplacement de milliers de personnes levant la banderole pour le droit à une ouverture sur la mer, le Président Evo Morales marqua sa présence au Chili, à l’occasion de la prise de pouvoir de ce pays par Sebastián Piñera, en recevant des démonstrations d’amitié, une attention spéciale et l’expectative des cercles sociaux internationaux et de tous les médias.
Ce fut le personnage le plus sollicité par les visiteurs étrangers et par la presse et il fit preuve de clarté, de bonne volonté et de disposition à expliquer la situation bolivienne et en particulier les détails de la controverse avec le Chili. Il fit un exposé tendant à développer un dialogue fraternel sur le droit à une sortie maritime, comme sur les différents sujets d’intérêt commun avec le pays voisin. Il expliqua qu’il était temps de laisser aux nouvelles générations le soin de trouver la solution à un problème qui traîne depuis plus d’un siècle et qui empêche une relation harmonieuse entre les deux pays.
En soulignant sa grande ouverture au dialogue, il déclara qu’il est l’heure de « fermer les blessures dont nous avons hérité et regarder le futur avec une grande espérance », en avançant dans les relations de fraternité et d’intégration, et il sollicita des excuses pour les messages offensants diffusés par les réseaux sociaux. Sur un ton familier, il dit qu’il aurait bien aimé disputer maintenant un match de foot avec le Président Piñera, rappelant qu’ils l’avaient fait ensemble durant la précédente gestion du titulaire du Palais de la Moneda.
L’importance de sa visite aux pouvoirs installés à Valparaiso et à Santiago, à quelques jours de la publication des arguments des délégations bolivienne et chilienne au Tribunal de Justice International de La Haye, sur la demande bolivienne d’initier un dialogue tendant à lui accorder le droit d’avoir une sortie sur l’Océan Pacifique, acquiert davantage d’importance, si l’on tient compte qu’il s’agit de la phase finale de plaidoiries orales sur lesquelles la Cour devait adopter une décision finale.
On se souvient qu’après plusieurs tentatives du gouvernement bolivien d’avancer dans le dialogue bilatéral avec les gouvernements de Lagos, de Bachelet et de Piñera, dans une large ouverture de thèmes, y compris en allant jusqu’à formuler un agenda commun en treize points qui incluait l’affaire de la sortie à la mer, le gouvernement chilien freina le rapprochement, situation qui obligea le gouvernement de La Paz à recourir aux tribunaux internationaux, sollicitant le dialogue et tenant compte des déclarations publiques des gouvernants chiliens du siècle dernier, de vouloir résoudre le problème d’isolement de la Bolivie.
La situation d’isolement avait pour origine l’invasion militaire, en 1879, des territoires boliviens d’Antofagasta, Tocopilla et Mejillones par des troupes chiliennes avec l’objectif que des entreprises anglaises aux travailleurs chiliens exploitaient les ressources de guano et de salpêtre, ressources naturelles fort recherchées à cette époque. C’est dans cette région que se trouvent les gisements de cuivre les plus grands du monde, qui sont devenus la principale source de revenus du Chili durant les 50 dernières années.
La Guerre du Pacifique qui impliqua l’occupation chilienne de territoires de Bolivie et du Pérou généra un conflit et une controverse qui, en plus de cent ans, ne trouvèrent pas de solution et provoquèrent une situation instable. La Bolivie et le Chili signèrent le Traité de 1904 dans lequel l’occupation chilienne se consolida et en 1929 le Chili fit de même avec le Pérou, créant une situation qui a empêché une intégration totale dans la région et dans l’Amérique du Sud.
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