(ADITAL) septembre 2013
Comme chez des millions de Chiliens, les 3 années de gouvernement de l’Unité Populaire avaient éveillé chez le peuple Mapuche des aspirations à l’espoir et au bien-être. Dans des circonstances historiques très spéciales, deux objectifs historiques convergeaient : celui de la Nation Mapuche et celui des secteurs progressistes de la nation chilienne. Mapuches et Chiliens ont souffert des conséquences d’une promesse anéantie un matin de septembre 1973.
(…) Il s’agissait de changer la société chilienne. La nation Mapuche commençait sa bataille pour vaincre le colonialisme et pour marcher vers un pays humain et juste. A l’avènement des années 70, la lutte revendicative prenait force et les partis de gauche chiliens cherchaient une clientèle électorale et une force sociale révolutionnaire pour leur projet politique. La diversité des droits sociaux, culturels et politiques du peuple Mapuche n’avait jamais été présente dans aucun programme des partis de gauche chiliens jusqu’à cette époque.
L’Unité Populaire mit en place un programme spécial d’éducation pour la jeunesse paysanne et Mapuche. Des bourses furent accordées pour couvrir les frais d’inscription, de matériel, d’hébergement, d’alimentation et de transport pour les étudiants de l’enseignement secondaire et universitaire. En 1973, 10 230 étudiants paysans et Mapuches en furent bénéficiaires.
Le président Salvador Allende poursuivit le processus de réforme agraire, en appliquant la Loi de Réforme Agraire promulguée en 1967 par le gouvernement Démocrate Chrétien d’Eduardo Frei. L’application de cette Loi permit, jusqu’en 1973, d’exproprier 4401 latifundios, et les réserves indigènes Mapuches récupérèrent 30 000 hectares de terres.
En septembre 1972 fut promulguée une nouvelle Loi Indigène qui – malgré sa brève durée -, fut un instrument efficace pour résoudre les litiges par usurpation de terres aux Mapuches. Et dans les provinces de Malleco, Cautín et Valdivia, des hommes et des femmes convaincus qu’il était possible de joindre la force et le courage pour réaliser des « corridas de cercos » (*) réussirent à récupérer plus de 70 000 hectares usurpés par les grands propriétaires. Les Mapuches démontraient une fois de plus qu’ils ne se rendraient pas. Leur consigne était « La terre ou la mort ! Personne ne nous barrera la route ! »
La première corrida de cerco eut lieu à Cautín en mai 1970 par la communauté Mañio Manzanal. Au bout de deux mois d’occupation et de jugement, le Tribunal de Justice trancha en faveur des comuneros Mapuches. L’initiative de la Corrida de cerco revenait au chef (lonko) qui avant de se lancer dans l’action, déclara : » il faut récupérer les terres usurpées en rendant aux cercos leurs limites d’origine ». Dès lors les actions se réalisèrent méthodiquement : ôter les barbelés, puis les pieux, et rétablir la clôture aux limites établies
par le titre de propriété. La consigne des communautés Mapuche était : « La lutte nous donne ce que la loi nous refuse ». Des centaines de corridas de cerco furent réalisées entre 1970 et 1973.
Le 11 septembre 1973 marque le début d’une guerre interne qui divise les Chiliens. La moitié de la population du pays est dépossédée de ses droits les plus élémentaires. Les organisations Mapuches sont interdites et mises hors la loi. Les victimes de la nation Mapuche – exécutés politiques – sont environ 300 et les détenus-disparus une cinquantaine. On ignore combien ont enduré la prison et la torture.
La réforme agraire avait exproprié dix millions d’hectares. La contre-réforme agraire des militaires rendit six millions d’ha à leurs anciens propriétaires. La Corporation de Réforme Agraire vendit au plus offrant 3 millions d’ha et environ un million d’ha furent répartis entre les organismes d’Etat : Corporation Nationale Forestière et Forces Armées du Chili.
Les Centres Culturels Mapuches.
En 1978 il existait au Chili 2216 communautés Mapuches, totalisant une superficie de 245 000 ha. Les militaires chiliens se proposaient d’introduire des réformes à la loi Indigène 17 729 pour « en finir une fois pour toutes avec le problème indigène », selon leur propre définition.
Avant la promulgation de la Nouvelle Loi Indigène, l’Institut Indigène de l’évêché catholique de Temuco eut accès au texte de la nouvelle loi qu’il fit parvenir aux dirigeants Mapuches. Le 12 septembre 1978, 155 dirigeants Mapuches se réunirent pour discuter le projet de loi 2568 qui liquidait le droit de propriété collective des réserves indigènes. Cette loi sera promulguée le 23 mars 1979.
Mais en 1978, grâce à l’initiative de Melillan Painemal, les Centres Culturels Mapuches voient le jour avec l’objectif de promouvoir la culture et l’organisation Mapuche. Cette année-là, sur les 2216 communautés Mapuches, 900 avaient créé un Centre Culturel.
En 1979, l’Institut de Développement Agro-pastoral commence la division des terres, la privatisation des réserves indigènes. Les Centres Culturels Mapuches résistent en s’opposant à l’application de la loi indigène de la dictature. Selon Melillan Painemal, « ce peuple a de nouveau relevé la tête. »
Un nouveau cycle commençait dans la longue lutte de la nation Mapuche. Comme le disait notre frère Moisès Huentelaf (assassiné en 1971) : « rien n’a changé sur les terres de Lautaro, où la dignité maintient pour des siècles la demande de la terre juste et en notre mémoire… »
(*) Corrida de cerco : vieille pratique de lutte mapuche qui consiste à déplacer les clôtures des envahisseurs pour les remettre à leur place légitime.
Laisser un commentaire