En 1977 le Salvador se dirigeait vers une guerre civile et les violations des droits humains étaient à l’ordre du jour. C’est alors que fut créé TUTELA LEGAL, bureau de secours juridique pour les victimes, grâce à Mgr Óscar Arnulfo Romero. A partir de 1982 ce lieu fit partie de l’Eglise Catholique salvadorienne, mais le 30 septembre dernier, l’entité fut fermée par l’archevêque José Luis Escobar, président de la Conférence Episcopale Salvadorienne. La décision laissait en suspens plus de 50 000 cas non résolus.
« TUTELA LEGAL » n’avait plus de raison d’être », fut la surprenante réponse de Mgr Escobar, qui affirma avoir trouvé « des irrégularités » dans le fonctionnement de l’organisation. L’argument ne convainquit personne et la population le critiqua fortement. Des organismes locaux et internationaux défenseurs des droits humains se prononcèrent, insistant pour défendre la mémoire des victimes.
Escobar déclara que les archives appartiennent à l’Eglise. Celles-ci renferment des cas d’exactions et de violations des droits humains comme les massacres de El Mozote, La Guacamaya ( Morazán) et El Sumpul (Chalatenango), ou encore l’assassinat en 1989 des six Jésuites avec leurs deux collaboratrices, ainsi que de très nombreux dossiers datant d’après la signature des accords de paix entre guérilla et gouvernement en 1992.
La fermeture du bureau de TUTELA LEGAL intervient au moment où le service constitutionnel de La Cour Suprême de Justice étudie, – après bien des demandes -, si la Loi d’Amnistie Générale de 1993, qui empêche que l’on juge les crimes de guerre, est inconstitutionnelle ou non.
La professeure Margarita Pascasio de López disparut en 1982 après sa sortie du travail. L’unique donnée dont dispose sa fille Nora est que Margarita fut capturée et retenue dans des installations militaires. Nora vint alors à la TUTELA LEGAL informer de sa disparition. Le cas est toujours en suspens.
Le 6 octobre dernier, Nora revint au bureau de TUTELA LEGAL, situé dans la Cathédrale Métropolitaine. « Espérons que Mgr Escobar n’ait pas détruit les archives, parce que cet homme est de droite. Il a inventé que des employés travaillaient mal. Il faut qu’il rende les archives. »
Elle craint que les archives concernant le cas de sa mère, comme beaucoup d’autres, puissent disparaître. Depuis qu’elle a perdu sa mère, elle s’est engagée à la retrouver et à faire fonctionner la justice pour cela. C’est pourquoi elle a adhéré à l’organisation SOS Justice. « Ni pardon, ni oubli. Je veux la justice ».
Dès la fermeture de TUTELA LEGAL, ce furent les nouvelles générations qui interpellèrent les réseaux sociaux pour organiser une manifestation pacifique sous forme d’un « abrazo » à la cathédrale. Hommes, femmes et enfants, formèrent une chaîne humaine autour de la cathédrale comme pour la protéger. « Ce ne sont pas seulement des documents que nous protégeons, c’est notre mémoire. La paix ne reviendra pas tant que tous ces délits ne seront pas jugés ».
La pression publique amena Mgr Escobar à envisager la création d’une commission avec Mgr Delgado, et trois prêtres qui jouissent d’un certain respect dans la société salvadorienne et feront vivre le Centre de Documentation et d’Archives Mgr Arturo Rivera Damas. Mgr Rivera Damas continua sur les traces de Mgr Romero après l’assassinat de celui-ci en 1980.
Le Président Mauricio Funes manifesta aussi sa préoccupation pour « le mauvais signe envoyé par l’Eglise Catholique, et particulièrement l’Archevêché de San Salvador. »
Le Secrétaire de la Culture de la Présidence tenta de faire déclarer Patrimoine Culturel les archives de TUTELA LEGAL, mais les avocats de l’Eglise déclarèrent que l’entité religieuse est privée et que les documents sont propriété de l’Eglise et ne peuvent être publics.…
Enfants de la guerre.
Durant le conflit armé des milliers d’enfants furent arrachés à leurs parents. L’armée salvadorienne fit des affaires sur cette douleur en remettant les enfants à des familles des Etats Unis ou d’Europe. Dans certains cas les enfants furent gardés par des familles de militaires ou bien exécutés.
En 1994, un prêtre jésuite aujourd’hui décédé, Jon Cortina, créa, avec des familles d’enfants disparus, l’Association PRO BUSQUEDA dans le département de Chalatenango. La mission de cet organisme est de retrouver ces enfants, – maintenant adultes -, avec leurs parents biologiques ou des parents survivants du conflit. Cette association est le résultat du mécontentement généré par la Loi d’Amnistie de 1993 qui passait sous silence les disparitions forcées des enfants salvadoriens pendant la guerre.
La fermeture de TUTELA LEGAL avait déjà indigné la population salvadorienne, mais une vague de condamnations nationales et internationales s’éleva le 14 novembre lorsque des hommes armés s’introduisirent au siège de l’association de PRO BUSQUEDA, attaquant les employés et le veilleur, dérobant des archives et des ordinateurs, et arrosant d’essence les locaux pour y mettre le feu.
Le 18 novembre fut suspendue pour la seconde fois l’audience spéciale qui enquête sur le sort de neuf enfants. Le cas remonte à 1982 quand l’armée fit une incursion au Chalatenango. L’opération fit non seulement des centaines de morts mais causa la disparition de 53 enfants dont 20 seulement ont pu être récupérés, selon PRO BUSQUEDA.
PRO BUSQUEDA affirme que ce sont environ 2000 enfants qui disparurent pendant la guerre. L’institution, depuis sa création, a résolu 387 cas pour plus de mille dénonciations reçues.
Laisser un commentaire