( Ollantay Itzamná, journaliste – 12 mai 2014 – Extraits)
Il y a une décennie, la Bolivie était le pays de la région le plus pauvre et le plus méprisé. Ses voisins, proches et lointains, le regardaient avec dédain. Comme s’il s’agissait d’un peuple malade, ils étudiaient les mesures à prendre pour que le syndrome bolivien ne se propage pas ainsi qu’une pandémie dans le continent…
C’était un « pays d’indiens sauvages », pillé et très pauvre, avec ses 8 millions d’habitants, dispersés sur un territoire de plus d’un million de km2. En 2005, son PIB (Produit Intérieur Brut) n’arrivait pas à 10 mille millions de dollars (presque totalement dans des mains privées). Plus de la moitié de la population survivait avec un dollar par jour. La malnutrition infantile coûtait la vie à plus de 60 % des enfants de moins de 5 ans.
Pays d’analphabètes, environ 40 % des habitants regardaient les livres avec leurs millions de fourmis qui pour eux, n’avaient aucun sens. Pays champion international de la corruption publique. Chaque mois d’octobre, ses gouvernants serviles aux intérêts étrangers entamaient sans vergogne aucune leurs tournées internationales luxueuses pour mendier des aumônes, le sombrero à la main, afin de payer les derniers salaires et pourboires des employés publics. La Bolivie était alors un pays où la malédiction du mythe de Sisyphe semblait installée pour toujours.
De cette Bolivie néolibérale, presque tous avaient honte. Ceux qui ne pouvaient trouver de sens à ce pays optaient pour la fuite vers l’étranger. Mais, même là-bas, la malédiction « d’être boliviens » poursuivait ces exilés. En Argentine, les racistes européanisés les traitaient de « bolas de mierda ». En Espagne, nous fîmes en 2008 une enquête sur les migrants boliviens : beaucoup d’entre eux avaient honte de dire qu’ils étaient Boliviens.
La psychologie individuelle et collective de ce peuple s’était effondrée du fait de tant de mépris et d’humiliation. Misère, faim, mendicité, analphabétisme, dette, corruption, retard, étaient pour les agences d’information, les mots qui définissaient ce pays andin.
Mais en 8 ans seulement, ce pays maladif s’est converti en phénomène régional et mondial. Non seulement parce que sa croissance économique atteint 6,8 % ( alors que le monde stagne dans la récession), mais parce que ce peuple s’est relevé de ses cendres et régénéré en un temps record.
Son PIB national a triplé (Actuellement 31 mille millions de dollars, une bonne partie sous contrôle de l’Etat). La dette extérieure, qui en 2005 s’élevait à 52 % du PIB, ne représente plus à présent que 17 % de celui-ci. Plus d’un million de personnes sont sorties de la situation de pauvreté et la pauvreté extrême a diminué de 38 à 21 % de la population. L’analphabétisme a été vaincu. Les enfants d’âge scolaire vont à l’école au lieu d’aller travailler, on a supprimé l’impôt sur les livres. Les comptes de l’Etat se terminent toujours avec un excédent : en 2013 l’excédent représentait 4,5 % du PIB. Le gouvernement a décidé non seulement d’augmenter le salaire minimum de 300 %, mais aussi d’établir la double étrenne pour tou(te)s les travailleur(se)s.
Ces changements ne sont pas le fait des anges ou des démons. Ils sont le résultat des présences collectives organisées et mobilisées, des indigènes, des paysans(ne)s, des ouvrier(e)s, des Bolivien(ne)s qui jamais n’ont perdu la foi en eux-mêmes, ni renoncé à leur dignité. Pour cela, il fut nécessaire de disposer d’un instrument politique propre à construire le pouvoir local et national, et d’entreprendre la fondation de l’Etat Plurinational. Ce fut le processus Constituant.
Pour faire de la Bolivie un pays de l’espoir, il n’a pas suffi d’élire un indigène comme président, mais il a fallu faire de la capacité de gestion, de la transparence, du travail et de l’austérité, des vertus fondamentales du gouvernement actuel. Evo est le président qui travaille le plus, mais qui reçoit le salaire le plus modeste de la région. Au Guatemala et au Honduras, – frères siamois de la Bolivie dans la misère récente -, les gouvernants gagnent entre 12 et 13 mille dollars de salaire mensuel. Evo a choisi un salaire d’un peu plus de deux mille dollars par mois.
Le gouvernement bolivien a rendu la dignité à son peuple, non seulement en nationalisant les hydrocarbures et en récupérant les entreprises publiques privatisées ( plus de 20 ), mais surtout en redistribuant à la population les excédents économiques générés et recouvrés par l’Etat, augmentant et dynamisant ainsi l’économie interne. Comme jamais dans son histoire, la Bolivie jouit d’une exemplaire solvabilité économique et avance vers une démocratie participative saine.
Rien de cela n’aurait été possible si Evo Morales n’avait affirmé la souveraineté du pays en expulsant l’Ambassade nord-américaine et l’USAID du territoire bolivien. Il a assis son autorité sur l’élite économique, politique et ecclésiale du pays. Si Evo n’avait pas pris ces décisions « insolentes », actuellement la Bolivie serait le Guatemala ou le Honduras d’Amérique du Sud, pays où les états ont pratiquement échoué et où les survivants pauvres s’anéantissent entre eux, sans lois ni autorités.
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