(de Silvina M.Romano, Centre Stratégique latino-américain de Géopolitique,
publié par Rebelión – Trad. B. Fieux- 15/03/2016)
Le gouvernement d’Obama a présenté au Pentagone un plan pour la fermeture de la prison de Guantanamo, où se trouvent 91 « terroristes » et qui, aux moments de forte occupation, a hébergé jusqu’à 779 prisonniers. La proposition est d’envoyer les détenus ayant une autorisation de la Défense pour être mis en liberté dans des pays tiers, et de transférer les autres dans une quelconque prison des Etats-Unis (Caroline du Sud, Kansas, Colorado). Cette dernière proposition est désapprouvée par le Congrès depuis longtemps.
De sorte que les options sont les suivantes:
- que le Congrès révoque la loi de la Défense de 2010 dans laquelle on interdit le transfert des prisonniers de Guantanamo vers les Etats-Unis ;
- que Obama transfère les prisonniers en faisant appel au pouvoir que lui autorise la Constitution, s’il parvient à réduire le nombre de détenus qui ne pourraient être transférés, c’est-à-dire environ 40 hommes ;
- laisser la prison fonctionner comme actuellement en attendant ce que décidera le nouveau président.
Concernant l’option 2, il faut rappeler que l’Exécutif a fait appel au pouvoir d’Obama pour l’ouvrir, mais maintenant il semble improbable qu’il l’utilise pour la fermer. Obama s’est basé sur ce pouvoir pour ordonner le bombardement de la Syrie par les forces des Etats-Unis, sans autorisation du Congrès et en violant les lois internationales ; il a aussi fait appel à son pouvoir extraordinaire pour étendre la vigilance de l’Etat dans les réseaux, dans le but de recueillir des informations sur de potentiels terroristes (emails, chats, messages, appels…) à l’intérieur du territoire états-unien. Mais pour fermer Guantanamo, il attendra l’appui du Congrès (bien que les antécédents montrent la faible probabilité d’obtenir cette aide).
L’affaire de Guantanamo est devenue visible il y a quelques années, quand le sénat a présenté un rapport sur les stratégies de tortures pour l’obtention d’informations de la CIA dans la guerre contre le terrorisme, rendant compte des abus commis dans les prisons comme celle de Guantanamo. A ce moment, on admit que l’abus contre les Droits Humains avait été « brutal » et « profondément erroné », et Obama déclara : « Je continuerai à user de mon autorité en tant que président pour garantir que jamais plus nous ne recourrons à ces méthodes. »
Mais rien ne se produisit, démontrant clairement que c’est une chose d’accéder au gouvernement, et une autre bien différente de détenir un pouvoir suffisant pour faire fléchir la volonté des ordres militaires qui viennent de ceux qui affichent une bonne partie de la prise de décisions dans un pays gouverné par une élite puissante qui opère derrière une façade de démocratie pluraliste parfaite.
Cette élite du pouvoir (sommet de la classe dominante) est composée aussi d’un noyau de chefs d’entreprises dont les intérêts sont directement associés à « l’essor » du « complexe-industriel carcéral » des Etats-Unis dans les dernières décennies. Ce concept s’utilise pour rendre compte des intérêts partagés entre gouvernement et entreprises qui utilisent la vigilance, le pouvoir de la police et la prison comme solutions à des problèmes qui en réalité prennent racine dans les questions économiques, sociales et politiques. Ce complexe industriel carcéral est promu par l’Etat et administré par des entreprises comme Corrections Corp of America (CCA) et Geo Group, leaders dans l’alliance de l’industrie correctionnelle, avec un négoce de 70 mille millions de dollars par an.
Un des arguments réels (et non dans le plan de la prétendue préoccupation éthique qui génère la torture) pour fermer Guantanamo est que chaque prisonnier coûte au Trésor états-unien une moyenne de 4,4 millions de dollars par an. Ce n’est pas une exception, puisqu’à l’intérieur des Etats-Unis, dans la seule année 2010 on a dépensé 80 mille millions de dollars dans le complexe industriel carcéral. Les Etats-Unis sont leaders en quantité de prisonniers : 2,2 millions de personnes en prison et plus de 4,8 millions en liberté conditionnelle ( la Chine compte 1,7 million de prisonniers et la Russie 670 000.) Les Noirs et les Latino-américains sont les prisonniers « préférés », ils représentent 39% des prisonniers.
Avec ce scénario la fermeture de Guantanamo peut être analysée comme faisant partie d’une problématique beaucoup plus profonde et qui met en discussion non seulement les stratégies « valides » pour lutter contre le « terrorisme » au niveau international, mais qui renvoie à la question de « qui commande » aux Etats-Unis et quels sont les négoces et les intérêts derrière ces emprisonnements massifs ; quelle société prétend construire ( ou détruire) la classe dominante états-unienne. Ceci est tout au moins préoccupant quand ce sont ces secteurs qui font pression pour élaborer et faire appliquer les règles sur la démocratie et la justice au niveau international ; de plus ce sont des questions inquiétantes dans une année électorale.
Laisser un commentaire