Publié par Venezuela infos dans Médiamensonges / désinformation / propagande
24 mai 2017
Au cours d’un meeting de sa campagne présidentielle en 2013, le candidat Nicolas Maduro était passé par une analogie historique pour illustrer la bataille entre le socialisme bolivarien et la menace d’une revanche néolibérale. Il avait évoqué la tragédie historique de la bataille de Macarapana (1567) où les espagnols avaient réussi à diviser et à monter les peuples indigènes les uns contre les autres, pour mieux écraser ensuite leur résistance : «Cette bataille de 1567, nous pourrions l’appeler la bataille de la trahison. Si la droite gagnait, ce serait comme si la malédiction de cette bataille retombait sur nous mais nous n’allons pas permettre que cela se reproduise». Dans « Le Monde » du 7 avril 2013, cela devint :
«Maduro agite la menace d’une malédiction sur les Vénézuéliens
Candidat à l’élection présidentielle au Venezuela, Nicolas Maduro a affirmé samedi 6 avril qu’un sortilège vieux de plusieurs siècles s’abattrait sur ceux qui ne lui apporteraient pas leur voix le 14 avril . «Si quelqu’un parmi le peuple vote contre (moi), il vote contre lui-même et la malédiction de Macarapana s’abattra sur lui, a mis en garde le président par intérim, dauphin désigné par Hugo Chavez lui-même avant sa mort d’un cancer en mars.»
Les perruques poudrées qui s’ennuyaient à Versailles se délectaient déjà en observant les fous de Charenton ou les sauvages emplumés des Indes Galantes de Rameau, ces êtres lointains, fanatiques, dont la magie menace notre raison. «Eux les barbares, nous les civilisés» : retour du journalisme français à la case coloniale.
Le journal mexicain La Jornada du 18 mai 2017, sous la plume de Luis Hernandez Navarro, démonte à l’aide d’exemples plus récents le besoin constant de ces grands médias de sédimenter une image donnée pour qu’elle devienne peu à peu « vérité », même si cette image est déconnectée du réel. Exemple récent : lors d’une visite à l’exposition de producteurs nationaux installée à Fuerte Tiuna à Caracas, Nicolas Maduro a échangé quelques propos avec un groupe d’ouvriers agricoles qui gardaient le bétail : « Je voudrais que des porte-paroles, des leaders et des producteurs du secteur agricole fassent partie des prochains députés de la Constituante.« .. Mais selon les informations parues dans la presse, c’est… aux vaches qu’il aurait parlé.
Le quotidien espagnol El Pais « informe » ses lecteurs : c’est aux vaches que Maduro a parlé de l’assemblée constituante, « réforme grâce à laquelle il espère se maintenir au pouvoir » (sic)…
Les médias ont malignement fait semblant d’ignorer l’existence des ouvriers agricoles auxquels s’adressait la Président et rapporté qu’il expliquait la méthode de l’Assemblée Constituante au bétail. « Aberrant, Maduro parle aux vaches » , affichait par exemple la une d’un journal du Costa Rica.
Cette histoire de manipulation médiatique peut prêter à rire, mais d’autres indignent davantage. Ainsi du cas du jeune joueur de violon alto Armando Canizales, 17 ans, assassiné le 3 mai dernier lors d’une manifestation. Armando avait appris la musique dans l’emblématique Ensemble National des Orchestres de Jeunes et d’Enfants du Venezuela. « Ils ont tué un jeune de 17 ans pendant que Maduro dansait« , a twitté le député de droite Freddy Guevara qui, quelques heures auparavant, encourageait des jeunes à être téméraires face à la police. L’opposition vénézuélienne a dénoncé que la mort de Canizales avait été causée par une bombe lacrymogène lancée par la police. La presse internationale donna un large écho à cette version. Pourtant elle était fausse. Le journal catalan La Vanguardia, très critique à l’égard du gouvernement vénézuélien, a reconnu que les tirs venaient des manifestants de droite eux-mêmes, comme l’enquête l’a démontré.
Dans leur majorité, ces histoires d’assassinats d’opposants de la main de leurs propres compagnons ainsi que l’exécution de sympathisants de Nicolas Maduro et de membres des forces de l’ordre sont ignorées par la majorité des agences de presse et des médias internationaux qui s’appliquent, en revanche, à répandre la fable selon laquelle la violence en cours dans ce pays est l’œuvre de la répression gouvernementale à l’encontre de manifestants pacifiques.
Pour comprendre l’origine et la nature de la violence vécue au Venezuela, il faut partir d’un constat vérifiable : une stratégie insurrectionnelle de la droite et de ses soutiens étrangers y est en cours, dans l’objectif de renverser la Présidence démocratiquement élue de Maduro, en fomentant une division dans l’armée et un éventuel coup d’état, en renforçant l’isolement international de ce pays, et en envisageant même de commanditer une intervention étrangère. Dans le cadre de de cette stratégie internationale, la plupart des grandes chaînes d’information manipulent sans vergogne l’information qu’elles diffusent, occultant le niveau de soutien réel apporté par d’amples secteurs de la population au Gouvernement et en faisant l’impasse sur la violence de l’opposition.
C’est dans ce cadre qu’il faut faire passer pour un fou autocrate le Président Maduro, celui-qui-parle-aux-vaches.
Autre cas récent : Euronews, à propos du cas d’un homme noir lynché et brûlé vif par l’extrême droite parce qu’il « ressemblait à un chaviste ». Les vidéos et témoignages abondent, les preuves sont irréfutables, et pourtant Euronews sème le doute : « Cet homme, poignardé, frappé, et grièvement brûlé, est toujours en vie aujourd’hui mais les partisans de Nicolas Maduro tiennent pour responsables les militants de l’opposition. » Et d’enfoncer le clou: « Le Président vénézuélien n’a lui-même pas hésité à lancer des accusations (…) ». Il suffit pourtant de s’informer un minimum pour se rendre compte que cet homme a été victime de la violence des militants de droite, qui l’ont pris pour un partisan du gouvernement.
Comme c’est le cas depuis plusieurs semaines dans toute la presse dominante, Euronews évoque les « manifestations de l’opposition de plus en plus durement réprimées » et indique que « 48 personnes sont mortes depuis début avril ». Après avoir évoqué la répression des manifestations par les forces de police, le lien logique est naturel… mais sournoisement trompeur. 7 victimes sur 60 sont décédées en conséquence de bavures des membres de forces de l’ordre, ces derniers ont été arrêtés et jugés pour ces crimes, les autres victimes étant le résultat direct ou indirect des actions violentes provoquées par l’opposition.
Euronews rectifiera-t-il cet article ?
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