NICARAGUA – 3 Mai : journée Mondiale de la Liberté de la Presse…

3 Mai : journée Mondiale de la Liberté de la Presse…
mais au Nicaragua,
journalistes et médias expérimentent
un dramatique recul.…
(Guillermo Rothschuh – Extraits – Trad.B.Fieux)

Depuis le 18 avril, le pays traverse une période troublée, marquée par des journées de protestation avec la participation des citoyens de tous âges, en particulier des jeunes. La liberté d’expression est mise à mal, la profession de journaliste devient très dangereuse : les journalistes sont agressés, censurés, emprisonnés, soumis à la peur et au risque de voir leur outil de travail supprimé. Avec l’assassinat du journaliste Angel Gahona, à Bluefields, le Nicaragua s’inscrit sur une liste rouge. Gahona fut tué par balle alors qu’il couvrait les manifestations dans la ville principale de la Région Autonome des Caraïbes Sud (RACS) : les gens clamaient leur opposition aux réformes de l’INSS (Institut National de Sécurité Sociale). Ce fut un fait brutal. Depuis l’assassinat de Carlos Guadamuz, en 2004, on n’avait pas vécu d’actions aussi violentes.

La mort de Gahona confirme les périls assumés par les journalistes. Le pays entier est abasourdi. Cette mort ne doit pas rester dans l’impunité. Les autorités sont obligées d’effectuer les investigations pertinentes : arrêter et juger les coupables. A Bluefields ses collègues sont indignés. Ils entament le processus légal correspondant : présenter une accusation aux juges. Ils veulent la justice. Le silence des associations professionnelles – Union des Journalistes du Nicaragua (UPN) et Association des Journalistes du Nicaragua (APN) – leur semble totalement inexplicable.… A Bluefields règne la douleur et l’indignation. Cet assassinat endeuille le journalisme nicaraguayen. La brutalité de cette mort préoccupe les journalistes. Gahona ne faisait que son travail d’information. Ruse et violence ?…(…)

Radio Dario a souffert pour la sixième fois les conséquences de sa position critique. Les attaques, au cours du temps, ont un caractère politique. En 2008 ses bureaux furent détruits pour la cinquième fois. Une nouvelle manifestation d’intolérance. Les questions que se posaient les auditeurs – tranmises par la Dario – signalant au Conseil Suprême Electoral les fraudes commises lors des municipales de 2008, exaspèraient les responsables sandinistes. Ils décidèrent de réduire la radio au silence et optèrent pour la destruction des bureaux et équipements de transmission. Presque 10 ans plus tard, la nuit du 20 avril 2018, alors que cette radio informait des troubles dans la ville de Leon, des forces de choc liées au parti au pouvoir décidèrent d’y mettre le feu. Une fois de plus, Radio Dario fut détruite, immolée… (…)

Les agressions contre les journalistes, durant les premiers jours des manifestations – 18,19 et 20 avril -, furent la note dominante. Une fois de plus c’est le messager qui était coupable. Jamais les agressions n’avaient atteint une telle violence. La répression s’intensifia à partir du 18 avril. Non loin du Chemin de l’Orient, les forces de choc attaquaient de tous côtés. Manifestants et journalistes furent bousculés. Les réseaux sociaux expliquèrent comment ils étaient agressés.

Le journaliste de Onda Local fut sauvagement frappé à la tête et dut être hospitalisé. Deux journalistes de la revue Confidencial subirent le même sort. Durant les semaines précédant ces évènements, une investigation réalisée par des jeunes révélait que des pages d’information avaient été bloquées ( les sites web de Confidencial, Radio

Corporation, Onda Local, EFE, etc ) car seule l’information tolérée par le pouvoir était « non contaminée ». Les jeunes en conclurent : « Ceci démontre l’intention de censurer ce qui ne leur convient pas. Raison suffisante pour éveiller l’alarme de la communauté étudiante et de la société en général… » (…)

Gustavo Mohme, président de la Société Interaméricaine de Presse, (SIP), condamna la mort de Angel Gahona et l’attaque contre la liberté d’expression. La SIP condamna les attaques cybernétiques contre les sites internet de La Prensa et Confidencial. Ces deux médias pratiquent une politique d’information critique invariable contre la gestion du Président Ortega. Est-ce par hasard que durant les journées de protestation leurs journalistes et photographes furent agressés par les forces de choc du parti au pouvoir ? Confidencial resta sept heures sans connexion. L’attaque à La Prensa fut détectée à temps. Les informaticiens experts évitèrent la disparition de sa page web. (…)

Le mouvement Anonymus lança une attaque contre divers sites liés au gouvernement. El 19 Digital disparut des réseaux. Les attaquants affirmèrent sur un mur dans Facebook : « Saluts, Gouvernement du Nicaragua, nous sommes Anonymus. Nous observons de très près vos crimes contre les personnes du Nicaragua. Si cette oppression continue, nous déconnecterons votre gouvernement du Cyberespace. Ceci n’est pas une menace, c’est une promesse ». Anonymus attaqua aussi Canal 6, l’Assemblée Nationale, l’Institut Nicaraguayen de la culture, l’Institut d’Aéronautique Civile, Jeunesse Présidente…et d’autres sites gouvernementaux. Les informaticiens du gouvernement réussirent avec une certaine célérité à se remettre des attaques reçues. (…)

Après les évènements des journées d’avril, l’exercice du journalisme au Nicaragua finit par se convertir en une activité mortifère. La censure, les coups, la prison, les assassinats, ne peuvent jamais être la réponse, contre ceux qui aident notre société à s’informer de ce qui se passe dans notre environnement local et mondial. L’information élaborée par les journalistes s’avère urgente: il sera toujours nécessaire de connaitre la Vérité. Nous informer de ce qui se passe nous conduit à agir avec sagesse. Au sein des forces en présence, les gouvernements spécialement n’aiment pas que l’on sache comment ils procèdent. Ils tentent de poser un voile sur le résultat. Et ce sont les plus réfractaires à vouloir que la vérité éclate. (…)

En date du 13 ma i:

Le Conseil Episcopal du Nicaragua participera au Dialogue et assigne le gouvernement de Daniel Ortega à adopter 4 étapes concrètes qui contribueront à la réalisation du dialogue dont la date est fixée au 15 mai,
** Qu’il invite la CIDH (Commission Interaméricaine des Droits Humains) pour la déclaration des morts et la disparition de plusieurs Nicaraguayens
**Qu’il supprime les corps paramilitaires et les forces de choc qui agressent les étudiants et les citoyens, et n’utilise plus la Police Nationale pour des actions de répression,
** Qu’il arrête immédiatement tout type de répression, face aux groupes civils qui protestent pacifiquement, et qu’il assure l’intégrité physique des étudiants et autres membres qui constitueront la Table de Dialogue,
** Qu’il respecte la dignité et la liberté des travailleurs de l’Etat, de sorte qu’il ne les oblige pas à assister à des évènements partisans, et qu’il cesse d’utiliser les bus des transports publics pour transporter ses sympathisants, tandis que le reste du pays se déplace à pied…

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