(www.rebelion.org)
Interview de Azahalea Solis, militante pour les droits des femmes.
4 ans ont passé depuis que le parlement nicaraguayen a approuvé l’interdiction absolue de tout type d’avortement en octobre 2006, imitant ainsi le Chili et la République Dominicaine. La loi avait provoqué un tollé, au Nicaragua et dans le monde entier, de la part des militants(e)s qui argumentaient que cette norme extrême est une violation des droits humains fondamentaux parce qu’elle criminalise le fait de mettre fin à une grossesse même pour sauver la vie et la santé de la mère. L’un des cas les plus emblématiques est celui d’une jeune fille enceinte de la ville de León à qui fut refusé le traitement contre son cancer parce qu’il risquait de nuire au fœtus ! Quelle est, pour les femmes, la situation qui résulte de cette interdiction ?
Dans le cas de la jeune fille de León, après avoir constaté sa grossesse, on lui diagnostiqua un cancer pour lequel elle nécessitait une radiothérapie, mais à l’Hôpital de León, on lui dit qu’on ne pouvait pratiquer l’avortement car c’était illégal. Ceci n’est pas une invention des médias. Cet hôpital fonctionnait depuis 8 ans sans une seule mort maternelle, et après la pénalisation de l’avortement survint la première mort. Dans ce même hôpital se produisit aussi un autre cas tragique : une femme enceinte arrive avec un syndrome diarrhéique sévère , et les médecins, de peur de provoquer un avortement, ne lui donnent aucun médicament. La femme meurt finalement d’une diarrhée non soignée. C’est une situation réellement terrifiante. ”
Qu’y a-t-il derrière la pénalisation de l’avortement thérapeutique ?
Des raisons d’ordre principalement politiques. De toute façon, les raisons ont toutes quelque chose à voir avec la politique. En 2006, il y eut des élections nationales et Daniel Ortega, actuel président de la République, s’y présentait pour la 4e fois et n’était pas disposé à perdre ces élections.
Alors ils ont fait ce “ marché ” avec la demande de l’Eglise Catholique , parce que c’était une manière d’éviter que l’Eglise Catholique agisse en s’opposant au Front Sandiniste dans les élections. Il ne s’agissait pas de capter plus de votes, parce que normalement les gens conservateurs ou anti-sandinistes sont contre l’avortement. Et le fait que le Front se déclare contre l’avortement ne créait pas pour autant des sympathies pour eux. Ce qu’ils recherchaient, c’était parer à toute attaque de l’Eglise Catholique.
Quel impact eut la pénalisation de l’avortement thérapeutique sur la santé des femmes ?
Ces dernières années, la violence et les assassinats ont augmenté vis-à-vis des femmes.Ceci pourrait avoir pour cause le mépris dont la législation nationale fait preuve envers la vie des femmes. Parce que si on pénalise le droit à sauver la vie des femmes, ce qui est derrière c’est que la vie des femmes vaut bien peu de chose. Pour en revenir aux faits concrets, il existe une sorte de double morale dans cette affaire : dans les hôpitaux du pays on pratique quand même des avortements quand cela permet d’éviter des morts maternelles.
Mais la pénalisation ne peut être éludée pour le corps médical. Si le médecin pratique l’avortement pour sauver la mère, il commet un délit. S’il ne le fait pas, il peut être accusé de négligence pour n’avoir pas sauvé la vie de quelqu’un.Il existe une question absurde dans le code pénal nicaraguayen sur la “ psychologie fétale ” qui établit que tout ce qui cause un dommage physique ou psychologiqua au fœtus est passible de sanction pénale !
Et que fait-on contre cette loi ?
Il existe une proposition signée par plusieurs députés, surtout des libéraux – aucun député sandiniste ne l’a signée -, dans laquelle on propose que si cela est nécessaire pour sauver la vie de la mère, on établit une exception pour pratiquer l’avortement thérapeutique.
Vous avez appuyé les Sandinistes parfois ?
Bien sûr. Je fais partie de la génération de la Révolution, j’étais militaire sandiniste.
Il ne vous semble pas que cette position sur l’avortement est contradictoire avec ce que proposait la Révolution ?
Absolument. Le programme original, historique, du Front Sandiniste parlait de l’émancipation de la femme. Dans les années 80, quand on a discuté la Constitution politique qui fut approuvée en 1986, le Front Sandiniste affirmait que le droit à la vie était un droit inaliénable et face à cela, les secteurs conservateurs affirmaient qu’il fallait inclure dans la Constitution que le droit à la vie commençait à la conception, ce que les Sandinistes rejetaient alors complétement !
25 novembre : éliminons la violence contre les femmes
et l’impunité envers les agresseurs ! (25/11/2010)
Des organisations de femmes se mobilisent et exigent que cesse la violence et que la justice soit appliquée.
En hommage à la lutte des sœurs Mirabal, cruellement assassinées en 1960 par la dictature de Leonidas Trujillo (République dominicaine) le 25 novembre est devenu la Journée Internationale pour l’Elimination de la Violence contre les Femmes. A Managua, Nicaragua, des milliers de femmes se sont mobilisées pour exiger justice, la fin des violences et le châtiment des agresseurs.
Selon les données du Réseau de Femmes contre la Violence (RMCV) en 2010 il y eut 82 femmes assassinées par leur conjoint, leur ex-compagnon de vie, leur frère ou beau-frère, ou d’autres membres de la famille. Sur ces 82 personnes, 8 sont des fillettes. 70 % des assassins sont impunis.
“ Une fois de plus nous commémorons cette date pour exiger que l’Etat se responsabilise pour garantir la sécurité des femmes ”, a dit Fátima Millon, militante du RMCV. “ Même s’il est certain que nous avons demandé la révision du cadre juridique, les femmes qui chaque jour subissent des violences ne peuvent continuer d’attendre. L’action des fonctionnaires publics doit être adaptée au droit, soutenue dans les protocoles de politique publique et dans la législation existant au Nicaragua. Il existe suffisamment d’instruments pour donner une réponse adéquate et intégrale aux victimes survivantes des violences et les processus doivent être opportuns, agiles et justes. ”
Les organisations de femmes qui luttent pour en finir avec la violence de genre, le « féminicide » et l’impunité des coupables ont demandé aussi que cesse le trafic d’influence dans les processus judiciaires. Elles exigent que le Ministère Public remplisse le rôle qui lui revient, “ défendre les victimes sans distinction de classe, d’ethnie, de religion, de nationalité et d’âge ”. Finalement, les femmes demandent à l’Etat nicaraguayen de solder la dette qu’il a envers les femmes, en signant le Protocole Facultatif de la Convention de l’Elimination de toutes les formes de Discrimination envers les Femmes. “ Nous allons continuer à dénoncer les violeurs, les assassins et les agresseurs des femmes. Nous continuerons d’accompagner toutes les femmes qui nécessitent la défense du droit humain de vivre sans violence. ” conclut le Réseau de Femmes contre la Violence.
Laisser un commentaire